les écrits




DERNIER BULLETIN DE LIAISON
BULLETIN DE LIAISON MARS 2024


Bulletin de liaison, Premier trimestre 2024
Amicale du MRP, 133 bis rue de l'Université -75007 Paris

Le mot du Président
« Une France forte et juste » a déclaré le Président de la République lors de sa conférence de
presse. Je partage cet objectif. C'est le titre d'un livre que j'ai rédigé il y a une dizaine
d'années, mais à ce titre j'ai ajouté : les clés de l'avenir sont en nous-mêmes. N'attendons pas
de l'Etat ce qu'il ne peut pas donner. Cette philosophie a toujours été au coeur des convictions
des élus et des militants du Centre.
On écoute le Président, mais comment assurer le passage de la parole à l'acte, alors que la
France reste un pays trop centralisé, trop bureaucratique, assommé par de multiples
réglementations ? Les centristes ont toujours appelé à faire confiance à l'initiative et la
responsabilité des citoyens. Comme disait Xavier Fontanet, 'donner de la responsabilité aux
gens et ils se comporteront en responsable ; mettez-les en situation d'assistance et ils se
comporteront en assistés.'
Le Modem, l'UDI, LIOT, les familles du Centre, n'ont pas eu un rôle majeur dans la
composition du Gouvernement et dans ses orientations. Il faut s'interroger sur les raisons. La
famille du Centre est trop dispersée, alors qu'il y a un espace politique pour un mouvement
centriste qui ne tombe ni dans l'idéologie ni dans le clientélisme. Dans l'Ouest beaucoup
d'élus et de citoyens se retrouvaient et militaient au sein de cette famille politique. Ils
pourraient y adhérer de nouveau mais ils ne comprennent pas cette dispersion des forces :
Modem, UDI, Nouveau Centre, Horizons... En conséquence, ces élus gravitent vers une
personne qui semble le mieux incarner leurs convictions, souvent Edouard Philippe, plutôt que
vers un parti.
En 2024, nous aurons l'opportunité de rappeler les racines et les valeurs qui pourraient servir
de fondation pour un regroupement des familles du Centre.

Pierre Méhaignerie

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La vie de l'Amicale
Fin novembre, nous avons entouré notre ami Bruno Coiraton, notre trésorier fidèle, de nos affectueuses
pensées et de notre compassion, au moment du décès de sa chère épouse Marioala qui a quitté les siens
subitement, à Cannes, à la veille de leur retour vers Paris.
Après ces dernières années marquées par la crise du COVID, puis par plusieurs décès de membres de notre
équipe, voici quelques informations concernant nos activités.
Après le colloque en hommage à René Monory, tenu le 8 juin 2023 au Sénat et initié par notre Président
Pierre Méhaignerie, par Jean Dominique Giuliani, Président de la Fondation Robert Schuman et par le
Conseil départemental de la Vienne, qui connut un grand succès, notre amicale réfléchit au positionnement
de notre famille du centre, issue de la démocratie chrétienne. En cette année 2024, nous allons en célébrer le
centenaire, occasion de rappeler ses valeurs et d'espérer un regroupement de cette famille dispersée. Notre
comité directeur a tenu plusieurs réunions avec des membres du MoDem et de la revue centriste France
FORUM avec qui nous préparons cet anniversaire.
Dans cette perspective, nous envisageons de transformer une partie de nos bureaux en une bibliothèque du
centrisme pour mettre des documents à la disposition des militants et sympathisants désireux de trouver
facilement des ouvrages de référence sur la démocratie chrétienne, le personnalisme, le MRP et les archives
de la revue France Forum.
Dans la dernière composition du gouvernement le MoDem compte quatre ministres.
Marc FESNEAU, ministre de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Sarah EL HAIRY ministre déléguée, chargée de l'enfance, de la jeunesse et de la famille.
Jean-Noël BARROT, ministre délégué chargé de l'Europe.
Marina FERRARI, ministre déléguée chargée du numérique.
Parmi les associations amies, nous apprenons par l'Institut Marc Sangnier qu'une conférence sera donnée
le mardi 27 février à 20h 30, à l'Hôtel de Ville de Sceaux, 122 rue Houdan, par Denis Lefevre, journaliste et
écrivain, sur le thème, 'Marc Sangnier, l'aventurier du catholicisme social'. L'Amicale participera à la
prochaine assemblée générale de l'Institut Marc Sangnier qui se tiendra prochainement.
Nous avons suivi par Zoom, en partie, la dernière Semaine Sociale de France qui s'est tenue à Lyon
les 24, 25, 26 novembre 2023. Plus de 1 600 personnes ont suivi conférences, débats et tables rondes avec
des intervenants scientifiques de haut niveau et de nombreux témoins autour du thème : Ecologie,
préparons-nous à un changement radical. Il fut beaucoup question de radicalité, tant la situation de notre
planète est grave. Il faut remettre en cause certains comportements, mais ce changement doit se faire à partir
du bas, des exclus 'qui seront nos maitres de pensée et d'action en transition'. Au niveau politique les petits
pas ne suffisent pas, il faut s'engager dans des actions collectives. C'est ce que le Pape François a exprimé
dans le texte Laudate Deum. Il y aura en juin les élections européennes, l'écologie et notamment l'écologie
sociale doit faire partie de nos critères de vote. L'Europe en particulier est un lieu de décisions pour la
transition écologique. (Informations plus complètes sur le site WWW.ssf-org). La prochaine session se
tiendra à Paris, en novembre, sur le thème du Travail, ici et dans le monde.
Nous vous recommandons le livre de Jérôme Cordelier, rédacteur en chef au journal Le Point, Après la nuit,
ces chrétiens qui ont reconstruit la France et l'Europe, Calmann-Lévy, octobre 2023 : La Seconde Guerre
terminée, tout est à reconstruire, Français, Allemands, Italiens fondent une Europe de la Paix.

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A écouter : 'Pas si simple', le podcast proposé par le Jour du Seigneur, RCF et les Semaines sociales de
France. Une heure de discussion chaque mois pour s'extraire du bruit médiatique et traiter en profondeur des
sujets d'actualité et de société. Prochaines thématiques :
Episode 1 : La démocratie française est-elle en crise ? Gilets jaunes, manifestations autour de la réforme
des retraites, 49.3 en série. Entretien avec Jean Louis BOURLANGES, député centriste, fin connaisseur de
la vie politique.
Episode 2 : Le retour de l'autorité, après les émeutes de l'été 2023, a été plébiscité. Qu'est-ce que
l'autorité ? Avec Edouard DURAND, magistrat, ancien coprésident de la CIVISE (Commission
indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants).
Episode 3 : Justifier la guerre. Pourquoi entrer en guerre et comment la justifier ? Entretien avec Pierre
SERVENT, expert en stratégie militaire et spécialiste des questions de défense.

Anne-Marie Catherin, secrétaire générale de l'Amicale

Les rendez-vous de 2024
Que nous réserve l'année 2024, riche d'espérances, lourde d'inquiétudes ? En France, le Président de la
République a décidé de modifier la composition de son gouvernement, nouveau Premier Ministre, équipe
resserrée, mais penchant à droite... le centre ne sort pas vraiment grandi de ce remaniement. Le contexte
international, lui, reste brulant, la guerre se poursuit à notre porte en Ukraine, mais aussi au Proche-Orient,
au Caucase, en Afrique, sans oublier les menaces persistantes qui pèsent en Asie sur la Corée du Sud et l'île
de Taïwan. On ignore encore qui de Joseph Biden ou de Donald Trump sortira vainqueur des élections
américaines, on devine que Vladimir Poutine, lui, semble assuré de la victoire. Mais rien n‘est encore écrit.
L'actualité réserve toujours des surprises.
Dans ce contexte tourmenté, deux grands rendez-vous attendent notre famille de pensée.
Les élections européennes, d'abord
Du 6 au 9 juin, 400 millions d'électeurs seront appelés à se rendre aux urnes pour renouveler les députés au
Parlement européen. De leurs choix dépendra la physionomie de la nouvelle assemblée. La construction
européenne a été au coeur des combats de nos ainés, puis des nôtres. La figure de Jacques Delors, qui vient
de disparaitre, représentait l'alliance originelle entre idéal et raison, entre social-démocratie et démocratie
chrétienne.
Mais le monde d'hier n'est plus, l'Europe à 27, qui continue de s'élargir, n'est et ne sera plus celle des Pères
fondateurs. Une réflexion cruciale s'impose sur son devenir. Une forme de désamour s'est installée
qu'attestent les scores promis par les sondeurs à la liste du Rassemblement national. Le défi migratoire, bien
sûr, explique en partie ce basculement vers les solutions extrêmes et simplistes. Mais pas uniquement. La
bureaucratie européenne est-elle encore à l'écoute des aspirations et des besoins des peuples ? La grande
révolte des paysans qui a gagné une bonne partie des pays européens, dont la France, met en relief les
problèmes de survie de l'agriculture familiale, la nécessaire défense de notre souveraineté alimentaire
confrontée aux nouvelles contraintes de la transition écologique. Un défi à relever parmi tant d'autres.
Dans son essai sur L'Europe fantôme, Régis Debray citait cette phrase de Sigmund Freud 'Une croyance est
une illusion dès lors que dans sa raison d'être le désir prédomine, sans tenir compte de son rapport à la
réalité'. Faisons en sorte que notre désir d'Europe, ô combien légitime, ne butte pas sur des réalités que
nous occulterions. Les Français attendent de nous une vision porteuse d'espoir mais aussi un discours de
vérité. La campagne qui va bientôt débuter risque d'être houleuse. Avant que les débats ne s'enflamment, il
serait bon de mettre au clair nos propositions.

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Un rendez-vous avec notre Histoire : les 100 ans de notre famille politique
En effet, nous célébrerons en 2024 le centenaire de la fondation du Parti démocrate populaire (PDP), et le

quatre-vingtième anniversaire de la naissance du MRP en novembre 1944. Le PDP, premier parti démocrate-
chrétien d'importance en France, défendait les positions du catholicisme social et aspirait à la réconciliation

entre les nations européennes après le conflit meurtrier et fratricide de 1914-1918. Issu de la Résistance et
s'inspirant des mêmes principes de la démocratie chrétienne, le Mouvement républicain populaire (MRP)
prenait le relais en 1944. Parti de militants, grande force politique de l'après-guerre, il allait participer
activement à la reconstruction de la France.
Nous nous réjouissons à ce propos de la reparution, sous la direction d'une nouvelle équipe, de la revue
France Forum, créée par nos amis Etienne Borne, Jean Lecanuet, Maurice-René Simonnet, Joseph Fontanet
et Henri Bourbon. Nous en reparlerons dans un prochain bulletin. Les deux anniversaires donneront lieu à
différentes manifestations, nationales ou de proximité. Une exposition sera présentée lors du Congrès du
MoDem qui se tiendra à Blois les 23 et 24 mars 2024, et cheminera ensuite à travers la France.
Un grand colloque se tiendra en fin d'année dans lequel interviendront des universitaires, historiens,
politologues, mais aussi des hommes de terrain, témoins encore vivants ou héritiers de ce courant politique.
Nous vous tiendrons informés du programme, des dates et lieux précis où se dérouleront ces événements,
occasions pour nous d'échanger et de rassembler les courants dispersés de la grande famille centriste.
Car aucune nostalgie dans cette démarche, s'interroger sur notre passé c'est aussi comprendre ce qui a fait le
succès en leur temps des partis dont nous sommes les héritiers et s'en inspirer pour partir à la reconquête d'un
électorat populaire qui nous a échappé.

Beatrice Kalaydjian, secrétaire générale adjointe

Actualité de la pensée démocrate-chrétienne (1)
par Jacques Barrot et François Bayrou
Au mois de décembre prochain se tiendra une Journée d'études consacrée à notre ami Jacques Barrot dont
on commémorera le 10e

anniversaire du décès, journée pilotée par Christophe Bellon, un de ses anciens
collaborateurs, maître de conférences habilité à diriger des recherches en histoire, animateur du Comité
d'histoire parlementaire et politique de Sciences Po et spécialiste de l'histoire du Centre. A cette occasion,
nous vous proposons de relire le beau texte, co-écrit avec François Bayrou, qu'il avait consacré en octobre
1990, lors de la Convention de Saint-Malo, à l'Actualité de la pensée démocrate-chrétienne.
Certes, il date maintenant de plus de trente ans, le contexte a profondément changé dans notre pays et dans
le monde, le terme même de démocratie chrétienne a quasiment disparu des discours. Peut-être certains
passages seraient-ils formulés autrement aujourd'hui. Mais, en cette année mémorielle, il nous semble bon
de réaffirmer les fondements de notre engagement. La seconde partie de ce texte consacrée aux projets et
aux actes sera publiée dans le prochain bulletin.
Faut-il des convictions en politique ?
Si la politique se résume à rechercher une carrière, à la simple gestion ou à des rivalités personnelles,
les idées et la foi sont en trop.
Pour nous, au contraire, il n'y a pas d'engagement politique sans convictions communes et fortes. Il n'y a
pas d'action qui ne soit confrontée à la pensée et à la morale. Il n'y a pas de militantisme sans réflexion,
sans approfondissement de la vision du monde qui le commande et l'inspire.

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C'est une première originalité de notre famille politique. Mais il en est une autre : nous prenons aussi des
précautions avec les idées. Car une idée en politique a vite fait de tourner en système, et un système en
dictature.
C'est pourquoi, nous nous méfions des grandes constructions idéologiques qui prédisent l'avènement d'un
monde idéal conçu sur le papier, enseigné comme une religion et justifiant tous les moyens. Nous récusons
les idéologies qui ont tout résolu à l'avance et qui, au nom de grands principes, méprisent la simple réalité.
Notre engagement est une foi, mais une foi modeste. Elle inspire notre action mais ne nous dispense jamais
de réfléchir et d'observer. Nous n'avons pas toutes les réponses à l'avance.
Que croyons-nous ? Deux phrases peuvent résumer notre conviction :
La personne humaine est unique, mais elle n'est pas solitaire. Le but de la politique, c'est l'épanouissement
de cette personne humaine.
Il n'y a rien dans l'ordre politique qui soit au-dessus de la personne humaine. Ni la race, ni la classe sociale,
ni la Nation, ni l'Etat, ni aucune organisation ne peuvent faire prévaloir leur logique sur un seul des hommes
qui les forment. Rien ne justifie, dans aucun ordre que ce soit, que l'on opprime, que l'on meurtrisse, que
l'on manque d'équité à l'égard d'un seul homme, quelle que soit sa condition.
Au contraire, le but de la société et des organisations politiques doit être de libérer, d'épanouir et de réaliser
les potentialités qui sont en chacun de nous, diverses, inégalement réparties, mais d'une égale dignité.
Chacun, y compris le plus faible et le plus dépourvu, a droit au respect des possibilités qu'il porte en lui
et à leur épanouissement. Or, on ne s'épanouit pas sur ordre. Le chemin privilégié est donc celui de la liberté
et de la responsabilité.
Chaque homme est unique. Aucun de nous ne peut être substitué ou échangé pour un autre. Mais l'homme
n'est pas seul et, seul, il ne serait rien. Toutes les sciences humaines : biologie, anthropologie, sociologie,
psychologie sont d'accord sur ce point. Les hommes ne sont pas étrangers les uns aux autres, ni dans
l'espace ni dans le temps. Le dialogue que, depuis notre naissance nous ne cessons de poursuivre les uns
avec les autres, est, au sens propre, créateur.
C'est pourquoi, nos communautés de vie ne sont pas seulement des lieux où s'inscrit notre aventure
individuelle. Famille, cité, entreprise, association, Nation, nous forment autant que nous les formons :
nous agissons sur elles et elles agissent sur nous.
Aussi essentielles qu'elles soient pour notre développement, elles forment, entre elles, un équilibre qui
garantit notre liberté. Aucune d'entre elles ne peut s'ériger en absolu, prétendre dominer les autres et les
soumettre.
La personne est unique et autonome. Mais sans communautés, il n'y aurait pas de personne. Cette tension,
constitutive de la nature humaine, nous en faisons la clef de notre message en politique.
A l'encontre d'un individualisme hédoniste qui, sans contrepartie, ouvre à l'homme tous les droits et lui
offre toutes les libertés, notre humanisme rappelle à chacun les exigences qu'implique son appartenance
à une communauté.
Face aux excès de la révolution individualiste, notre humanisme rappelle opportunément la richesse de la
dimension communautaire. Libres, nous le sommes, sans oublier pour autant que dans l'exercice de notre
liberté nous avons des valeurs à respecter, des femmes et des hommes à prendre en compte.
Nous ne pouvons pas nous dégager à bon marché des liens avec les faibles. Des parents qui ont divorcé
restent les parents de leurs enfants, de même que les enfants qui ont grandi restent les enfants de leurs
parents âgés : rien ne peut abolir ces liens qui sont ceux de la responsabilité. La famille, de l'avortement

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à l'euthanasie, doit affronter bien de ces douloureux problèmes moraux. C'est ce qui fait d'elle ce creuset
essentiel où se forge le respect de l'humanité.
De même, la Cité est le lieu où se forge le bien commun. La communauté politique existe pour servir ce bien
commun qui rassemble les conditions de chacun et permet aux hommes, aux femmes, aux familles de
s'accomplir plus complètement et plus facilement.
De même, si l'homme appartient à plusieurs communautés à la fois, il ne doit pas tomber dans
l'asservissement à une seule de ces communautés qui s'érigerait en absolu.
Cette exigence permet à la Démocratie Chrétienne de refuser fermement la xénophobie et l'idéologie qui
la justifie, le racisme. Aucune collectivité n'est fondée à se considérer comme une ethnie privilégiée
n'admettant, en dehors d'elle-même, que des ethnies de second ordre. L'universalisme chrétien, qui résulte
de la transcendance de chaque personne humaine, nous a arrachés hier à l'enfermement dans la lutte
des classes ; il doit nous permettre de résister à l'enchaînement au nationalisme.
Nous ne pouvons être complices de cette dégénérescence des patriotismes en nationalismes ombrageux et
vindicatifs, prêts à asservir les minorités et à alimenter de nouveaux conflits. Si l'identité nationale est
respectable, elle ne s'aurait s'ériger en absolu pour faire considérer les autres identités nationales comme
foncièrement différentes, irréductibles à la nôtre.
Nos sources
Nous savons où sont nos sources. Notre vision de l'homme est enracinée dans le message chrétien pour qui
toute créature est unique par l'étincelle divine qu'elle porte en elle, en même temps qu'aucune n'est
étrangère au destin d'une autre. C'est pourquoi nous nous reconnaissons dans la démocratie chrétienne
et nous sommes partie prenante de son combat international.
Mais nous ne faisons pas de cette conviction une étiquette. Quelles que soient leurs convictions religieuses
ou philosophiques, tous les humains qui se reconnaissent dans l'humanisme démocratique ont leur place
dans nos rangs.
Ceux d'entre nous qui sont chrétiens ont conscience, en choisissant cette attitude ouverte, d'être en
cohérence avec l'enseignement de l'Eglise qui propose un message et un éclairage mais récuse tout rôle de
direction temporelle de la société.
Ces références spirituelles sont indispensables. Une ferme affirmation de nos valeurs est la meilleure
garantie contre les menaces jamais conjurées : le retour, toujours possible, du totalitarisme ; la confiscation,
même partielle du pouvoir démocratique ; la montée des nationalismes ; la réapparition du racisme, de
l'antisémitisme et de la xénophobie. Si nous connaissons nos repères, nous serons, comme nous l'avons été
durant tout le XXe

siècle, des veilleurs efficaces.

Ce sont nos convictions qui nous ont fait résister sans aucune tentation et sans aucune compromission, au
communisme, au fascisme, au nazisme et à toutes les formes de dictatures. C'est notre idée de l'homme qui
nous a fait toujours refuser à tous les pouvoirs de régir les personnes dans leur vie privée, dans leur pensée,
dans leur foi religieuse ou philosophique.
Nous nous sommes insurgés contre tous les phénomènes de domination, en particulier dans l'ordre
économique. Contre les ententes et les complicités des dominants décidés à renforcer leur domination, nous
avons favorisé les solidarités : syndicalisme, mutualisme, coopération.
La liberté de la personne humaine est le moteur fondamental de l'Histoire. Nous sommes, par définition,
partie prenante de tous les mouvements de résistance contre l'écrasement et l'endoctrinement.

(A suivre)

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A propos de la loi immigration...
Les idéologies fascistes et marxistes ont fait les malheurs du 20e

siècle : la préférence de la race a aveuglé
l'une, la préférence de la classe a envoûté l'autre. Ces tentations extrêmes continuent de séduire, d'influencer,
de manipuler les opinions, de susciter les rejets et les haines...
La loi immigration du 26 janvier 2024 appelle au discernement par-delà les peurs de tous bords. Oui, il est
possible d'évoquer ce sujet sereinement, avec humanité et lucidité. Mais comment ? Il me semble essentiel
de l'aborder, en dehors des préjugés, en tenant compte des situations concrètes et souvent complexes, des
défis de notre monde, de ses évolutions, de notre démographie. 'Aller à l'idéal en passant par le réel" : l'idée
m'est venue de réfléchir à cette loi en m'inspirant de cette citation de Jean Jaurès. En revisitant des faits qui
n'engagent que moi.
Le droit du sol doit-il être automatique ? Je chéris mes deux petites-filles chinoises pour qui je suis "Yéyé",
nom utilisé pour le grand-père paternel. A leur majorité, elles pourraient choisir librement la nationalité
française. Je souhaite qu'elles soient conscientes d'adhérer à une communauté de valeurs démocratiques,
à une laïcité ouverte, à un esprit républicain. Et ce n'est pas rétrograde que la France sollicite un choix
personnel qui les engage par une manifestation de volonté.
Cette loi devrait permettre de régulariser la situation administrative de milliers de sans-papiers travaillant
dans des métiers en tension. S'en réjouir n'empêche pas de s'interroger sur le destin des millions de Français
demandeurs d'emploi et bénéficiaires du RSA. Il ne s'agit pas de préférence mais d'une commune dignité.
Est-ce devenir xénophobe que de demander une condition de présence régulière et stable sur notre territoire
aux étrangers qui y travaillent avant qu'ils puissent obtenir des prestations sociales ou familiales et des
allocations au logement ? Un délai de confiance qui responsabilise ?
Est-il réactionnaire de souhaiter un niveau de pratique du français ? Une langue se révèle un lien précieux
pour communiquer. Je revois ma grand-mère paternelle qui portait sa coiffe lorsqu'elle nous rendait visite
dans le Pas-de-Calais et j'entends encore mon père lui demander de parler français devant ma mère qui ne
comprenait pas le breton. Comment s'insérer dans un pays sans en partager la culture, ce qui ne signifie
évidemment pas renier ses racines ? Je n'oublierai jamais ce vieux Chinois déclamant Baudelaire sur le Bund
à Shanghai. Ah, je rêve que les intellectuels, défenseurs des droits de l'homme, fassent aimer la langue
de Molière, Hugo et Péguy qui était aussi celle de Senghor !
Je connais un Africain mineur accueilli par une ancienne enseignante qui patiemment lui apprend
à s'exprimer en français, à acquérir une formation. Elle ne lâche rien, mais il est sauvé !
Elève en quatrième, je me souviens de ces deux jeunes de Lomé débarquant en chemisette dans la cour de
récréation au mois de décembre. Ils m'ont appris l'hymne Togolais. Que sont-ils devenus ?
Depuis la nuit des temps, l'accueil de l'étranger appartient à toutes les civilisations. Il nous grandit. Au-delà
des différences, qui nous enrichissent, se révèle la même humanité qui transcende les races et les cultures.
C'est la même histoire qui a été vécue par les arrière-grands-mères de mes petites-filles, en Bretagne ou en
Chine.
Ce sont des raisons politiques, économiques ou climatiques qui poussent une personne à quitter son pays et
sa famille. Jamais la joie au coeur et en prenant des risques immenses. Agir contre ces drames et ces
injustices, c'est s'engager à soutenir massivement les projets de développement transparents. C'est aider les
ONG et les associations humanitaires, un peu ou passionnément, chacun à sa manière. Nous sommes des
citoyens du monde. Une idée est une parole vécue.
Mais surtout, les problématiques de l'immigration pourraient se résoudre autour d'un consensus élaboré par
tous les partenaires de l'intégration. Les militants généreux dont j'admire le dévouement pour secourir les

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migrants qui traversent tant de souffrances, protestent et défilent contre le gouvernement et l'administration
auxquels ils font tant de reproches plus ou moins justifiés. Au quotidien, ils savent que le vécu de l'insertion
est bien plus complexe que les slogans faciles...
Comment réagir quand le radicalisme prend le dessus sur la laïcité ? J'ai constaté leur déception lorsque les
cours de français gratuits étaient désertés ou que les femmes et les hommes étaient séparés pour un
repas. Comment organiser une formation de crêpier lorsque l'apprenti refuse de toucher le jambon et le cidre
par principe religieux ?
Un Afghan que je parrainais, qui avait fui les Talibans, m'a un jour demandé de prendre rendez-vous chez un
dermatologue pour une séance de laser qui devait éliminer quelques poils sur son visage. Comme je lui
indiquais le coût de cette intervention, il me présenta sa carte de CMU, ajoutant : "Ici, c'est gratuit !"
Je ne lui en veux pas. A sa place, j'aurais sans doute dit la même chose. Cette responsabilité est la nôtre :
c'est l'absence de volonté et de rigueur qui est la cause de nos échecs. Comment développer une action
sociale qui libère des pauvretés et procure une véritable autonomie ? Quels critères pour différencier la
solidarité de l'assistanat ? L'effort est-il devenu un gros mot ? En dehors des slogans et des idéologies, c'est
cette prise de conscience des énergies associatives et militantes qui serait bénéfique pour écrire une charte de
l'accueil du migrant, de ses droits et de ses devoirs. Ce dialogue aurait du sens et serait fécond s'il s'articulait
autour de l'expertise et des uns et des autres. En posant des limites, en discernant des repères efficaces, en
explicitant les clefs pour réussir l'intégration, en rappelant les valeurs fondamentales, l'immigration resterait
une chance pour tous. Notre regretté Bernard Stasi en était convaincu.

Pierre Kerleveo, membre du bureau de l'Amicale

Agriculture : des choix pour l'avenir
Les agriculteurs ont été au coeur de l'actualité ces dernières semaines. Le très large soutien de l'opinion
publique est à la fois une marque de considération et un acte de confiance.
Trop souvent l'espace médiatique est revenu sur le taux de suicide (souvent exagéré) et des revenus limités à
600 euros pour 60 heures de travail. La raison est souvent liée à l'importance des remboursements
d'emprunt. L'agriculture est, de tous les secteurs d'activité, celui qui exige le plus de capitaux par unité de
travail. Lorsqu'un agriculteur rembourse l'achat de ses terres, de ses équipements, son revenu disponible
peut être faible.
Pour un jeune qui s'installe, surtout pour ceux qui n'ont pas de parents agriculteurs, le défi est énorme, d'où
l'intérêt d'inclure dans la prochaine loi agricole, le portage foncier. Il est essentiel que ce portage soit sous
le contrôle des SAFER afin d'éviter la spéculation. Ainsi le revenu disponible pour l'exploitant pourrait être
augmenté parce que la charge d'une location est plus abordable.
La contrainte des heures de travail dans les élevages et la difficulté de trouver des personnes pouvant
remplacer ponctuellement l'exploitant sont encore parfois plus difficiles à vivre que celle du revenu. Le
risque existe déjà que les activités d'élevage diminuent, remplacées par des productions végétales.
La France importe de plus en plus de produits agricoles (fruits et légumes, porcs et poulets). Dans les
années 80, nous étions le deuxième pays exportateur au monde après les Etats-Unis. Nous sommes
désormais au sixième rang et, dans quelques années, nous risquons d'être importateur net. Selon François de
Closets, le déclin de l'industrie et de l'agriculture s'explique en partie par l'excès de règlementations et de
bureaucratie en France. J'entends souvent les agriculteurs déclarer : 'Je passe plus de temps sur mes papiers
que sur mon tracteur'.

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Lors du vote de la Loi Egalim à l'Assemblée Nationale dans les années 2010, j'avais fait part de mes
réserves. Rien n'empêche les distributeurs et les industriels d'acheter dans les pays voisins. On le constate
aujourd'hui. Les prix planchers, possibles pour certaines productions, ne peuvent l'être qu'au niveau
européen.
Les consommateurs peuvent remercier les agriculteurs pour leurs efforts. La part des dépenses alimentaires
dans le budget des ménages se situe autour de 15 %, contre 25 % dans les années 60 - 80.
Les agriculteurs ont besoin de considération et de soutien. Je me souviens des propos de Raymond Barre
lorsque j'étais ministre de l'Agriculture : 'Pierre, pas de démagogie ! Pense long terme ! L'agriculture est
une formidable chance pour la France.'

Pierre Méhaignerie, président de l'Amicale

Reconquérir le vote populaire
Au cours des dernières réunions du bureau de l'Amicale, Pierre Méhaignerie avait souhaité que nous
réfléchissions ensemble à l'avenir de notre courant de pensée au moment où notre pays se trouve confronté
à une crise globale de la démocratie représentative et où la famille centriste est éclatée, ce que nous
déplorons tous. Comment retrouver la confiance des électeurs, comment reconquérir le vote populaire ?
Nous reproduisons ici deux contributions qui donnent matière à discussion, parmi celles qui nous ont été
adressées.
Regagner la confiance du peuple, un défi
La notion de confiance renferme quelques paradoxes : elle tient à la fois de la décision, de l'intuition et de la
représentation politique, nécessairement ambivalente, avec une part d'incarnation. Alexis de Tocqueville
redoutait déjà, en 1835, que les citoyens des siècles démocratiques soient fascinés par le pouvoir mais "aient
tendance à mépriser et à haïr ceux qui l'incarnent". Par envie, sans doute, ou par un sentiment de décalage
entre eux et une sphère qui leur paraît lointaine, coupée des réalités. Dominique Schnapper a récemment
souligné que l'impopularité d'Emmanuel Macron tenait, en grande partie, au sentiment d'envie qu'il suscitait
chez nombre de citoyens. Comment le politique peut-il retisser de la confiance ? En rapprochant les
représentants des représentés, en associant les citoyens à la prise de décision, en les prenant en
considération. Mais la tâche est délicate, la confiance tenant de la fides romaine : il y entre une part de
croyance, de foi, qui échappe aux intentions. Quelques pistes de réflexions...
Choisir ses représentants
Une incertitude pèse sur les critères qui conduisent les électeurs à choisir leurs représentants. On se souvient

du débat, en 1787, au moment de l'adoption de la Constitution américaine, entre les Fédéralistes et les Anti-
fédéralistes : pour les premiers, les gouvernants devaient être supérieurs aux gouvernés ; pour les seconds,

les gouvernants devaient être comme les gouvernés. Il semble que, de plus en plus, cette seconde tendance
s'affirme qui porte à rechercher une plus grande ressemblance entre hommes politiques et citoyens
ordinaires. Mais est-ce si sûr ? Encore faudrait-il que le peuple sache à quoi il ressemble.
De fait, si le critère de ressemblance implique une représentativité la plus exhaustive possible de toutes les
catégories, différenciées par exemple selon l'origine sociale, le sexe, l'âge ou l'appartenance ethnique, cela
pourrait bien entraîner une fragmentation exponentielle, la représentativité ne pouvant jamais être parfaite.
La notion de ressemblance est elle-même très complexe, et toujours partielle. On ne ressemble jamais à une
'communauté' que par un ou deux aspects. En quoi le fait de ressembler à un groupe par certains caractères
peut-il garantir qu'on lui accordera plus d'attention ? Il n'y a pas là de lien de cause à effet, l'homme
politique pouvant, tout à l'inverse, chercher à s'affranchir d'une identité en laquelle lui-même ne se

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reconnaîtrait plus. Mais il est vrai que jouer de ses caractéristiques dites identitaires relève pour un candidat
en campagne de l'exercice obligé, presque de l'exercice de style. Quel que soit son attachement réel à ladite
' identité', il lui est difficilement possible de la passer simplement sous silence, une sympathie plus ou
moins marquée pour le groupe concerné devant nécessairement s'exprimer.
Intuitivement, l'on pourrait analyser cette notion de ressemblance non pas tant comme le désir de voir les
gouvernants 'être comme' les gouvernés, que comme la hantise de voir les gouvernants se ressembler tous
entre eux, au point de former une sorte de caste. Ainsi, le désir de ressemblance serait l'autre nom pour
désigner, sur un mode plus positif, la peur de la domination d'une 'élite'. De la même manière, la passion de
l'égalité se fonde également sur une profonde aversion des inégalités. Il semble que le désir de ressemblance
obéisse à des ressorts assez ambigus, puisque l'on souhaite distinguer celui qui nous ressemble mais qui, de
ce fait, ne nous ressemblera plus autant. Précisément, il s'agit de porter au pouvoir quelqu'un qui, en
définitive, pourrait être nous. S'opérerait ainsi une sorte de processus de transposition, le candidat élu
renvoyant à ses électeurs une image hautement valorisante d'eux-mêmes et représentant l'un de leurs
possibles.
Moraliser la vie politique
Les élites politiques sont souvent suspectées de corruption par l'opinion publique. Au cours des années 1980
et 1990, vont se développer un certain nombre d'affaires mettant en cause des personnalités. Pour lutter
contre l'image désastreuse que ces scandales donnent des dirigeants et des partis, quatre lois relatives à la
transparence financière de la vie politique vont être adoptées, qui visent à consolider le lien entre les élus et
les électeurs : la loi du 11 mars 1988, dite loi Chalandon ; la loi du 15 janvier 1990, dite loi Arpaillange,
Garde des Sceaux dans le gouvernement de Michel Rocard, soutenue par le groupe Union du Centre ; la loi
Vauzelle de 1993 ; enfin la loi du 29 janvier 1995, portée sous le gouvernement d'Edouard Balladur par le
centriste Pierre Méhaignerie alors à la chancellerie, loi qui permet d'encadrer davantage encore le
financement de la vie publique. C'est cette loi qui permet d'augmenter le remboursement des frais de
campagne par l'Etat en contrepartie d'une réduction du lien financier entre personnes morales et acteurs de
la vie politique.
Deux autres figures centristes sont devenues Garde des Sceaux par la suite : Michel Mercier de 2010 à 2012,
puis François Bayrou en 2017. C'est lui qui va élaborer la loi sur la moralisation de la vie publique. La
confiance des citoyens dans leurs hommes politiques, souvent mise à mal, demande des gages de
transparence et de franchise. Les responsabilités s'exercent au sein de la cité. Les hommes et les femmes
politiques doivent aller régulièrement au contact de la population. Vis-à-vis des citoyens, les élus ont un
devoir d'exemplarité. Il en va de leur crédibilité.
Résister à la tentation populiste
Si une attitude populiste engrange souvent des voix, il faut résister à cette pente qui consiste à suivre la
démocratie d'opinion. On se souvient des trois préconisations de Jacques Barrot, ce qu'il appelait sa "règle
d'or" pour le gouvernant : avoir une bonne connaissance de la société et du monde, résister à l'exhibition
médiatique, rester modeste et honnête intellectuellement. Est-ce encore possible aujourd'hui ? Avoir une
bonne connaissance de la société et du monde, rester modeste et honnête intellectuellement, oui. Mais
résister à l'exhibition médiatique, non, cela semble impossible. Ne pas la subir mais s'y prêter quand il le
faut, peut-être. C'est toute la difficulté, d'autant que les réseaux sociaux, exposent également l'homme
politique à son corps défendant. Et les femmes et hommes politiques qui "font le show", les personnalités
désinhibées, ont aujourd'hui tendance à plaire (cf. Donald Trump). Comment résister à cette mode ?
En s'appuyant sur les qualités que doit avoir tout gouvernant : la vigilance face à la démocratie d'opinion et
aux groupes de pression, le courage de la nuance sans doute, mais aussi l'effort d'argumentation.
Pour lutter contre l'abstention, les centristes estiment que les hommes et les femmes politiques ont le devoir
de faire mieux connaître aux électeurs les enjeux des différents scrutins : trop peu de personnes saisissent

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précisément les spécificités des élections sénatoriales, départementales, régionales, sans parler des élections
consulaires. Quelles conséquences auront-elles sur leur vie quotidienne ? Il existe un devoir d'information,
nécessaire également en direction des médias, souvent exclusivement focalisés sur l'élection présidentielle.
Cet indispensable effort d'argumentation, il faut le mettre en oeuvre dès la prochaine campagne européenne
si l'on veut que l'Europe n'apparaisse plus comme un bouc émissaire mais devienne, enfin, populaire.
Olivia Leboyer, chargée des études au MoDem

'Réformer... se réformer... ou périr '
En juillet 1957 paraissait dans la revue France Forum un entretien croisé entre Raymond Aron, Jean
Lecanuet et André Philip sous le titre 'Réformer... se réformer... ou périr'. Un sujet toujours d'actualité.
Cet entretien intervenait toutefois dans un contexte très particulier, bien différent de celui d'aujourd'hui.
La situation du pays en 1957 était sans doute plus critique mais peut-être moins complexe.
La IVe République, instable et relativement faible en raison de son déséquilibre institutionnel - possibilité
de renversement facile d'un gouvernement par l'Assemblée, notamment - et d'un mode de scrutin, la
proportionnelle intégrale, empêchant l'émergence de majorités nettes et stables, était impuissante face à la
grave crise algérienne et aux diverses difficultés, y compris économiques, qui lui étaient liées. Le problème
était donc essentiellement institutionnel, même si Raymond Aron évoquait aussi d'autres faiblesses, moins
graves, comme la division des partis politiques, en interne aussi, sur la construction européenne, le marché
commun. La République pouvait être menacée, d'où le titre choisi : 'Réformer, se réformer ou périr.'
Aujourd'hui, la situation me semble plus complexe à appréhender et les solutions plus difficiles à mettre en
oeuvre.
Une perte de confiance dans l'action politique
On constate depuis longtemps un désaveu, une perte de confiance, voire parfois une vraie défiance, d'une
majorité de Français vis-à-vis de la "classe politique" - terme générique employé de façon tout-à-fait
caricaturale pour désigner l'ensemble des élus -, mais aussi vis-à-vis de l'action de l'Etat et de l'engagement
politique, en tout cas sous ses formes classiques d'engagement long. L'abstention qui progresse d'élections
en élections en est un symptôme parmi d'autres. La progression des votes extrémistes ou populistes en est un
autre. Il serait d'ailleurs intéressant de comparer la situation française avec celle des autres vieilles
démocraties libérales de l'Union européenne pour voir les points communs et les divergences dans ce
phénomène de défiance.
Les causes en sont multiples et il serait naïf de croire qu'il suffirait de bouger le mécano institutionnel -
instaurer une VIe

république, équilibrer la démocratie représentative par plus de démocratie participative
et/ou de démocratie directe -, pour satisfaire les attentes et retrouver la confiance d'une large majorité
d‘électeurs.
Les frustrations de nos concitoyens sont alimentées depuis bien longtemps par un sentiment de distorsion,
d'écart important entre, d'une part, les aspirations des individus et, d'autre part, les résultats de l'action
publique qui doit tenir compte des contraintes existantes. Une partie du problème réside dans le diagnostic
posé sur l'état de la France et du monde. Naturellement, la société française est très divisée sur ce diagnostic
et sur l'appréciation/définition des causes des problèmes.
Les questions économiques et sociales toujours au coeur des préoccupations
La plupart des Français sont, dans une certaine mesure, restés culturellement de gauche, consciemment ou
inconsciemment, dans le domaine économique et social. Il existe toujours un décalage entre les réalités
économiques et la perception qu'en ont la majorité des Français. Le débat récent sur les retraites l'illustre

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bien puisque les sondages montraient qu'une majorité de nos concitoyens n'était pas résignée à l'idée de
devoir travailler plus longtemps et/ou plus ; les tentatives d'explication rationnelle restaient incomprises et
vouées à l'échec. Ainsi, beaucoup ne comprennent pas bien le mécanisme des cotisations sociales versées
par les entreprises qui, en tant qu'élément de la masse salariale et donc des coûts de production, se répercute
en fait surtout sur les prix, donc sur les consommateurs, et sur les exportations, donc sur la compétitivité.
C'est également la déconnexion, parfois ancienne, entre certains positionnements politiques et les réalités
économiques qui conduit à couper une partie de l'opinion publique de ces réalités. Or, des réformes efficaces
supposent d'abord un bon diagnostic partagé.
Le volet économique et social de l'insatisfaction ne peut ainsi être éludé. Le pouvoir d'achat qui était déjà
une préoccupation avant la crise inflationniste post-covid/guerre en Ukraine, est maintenant très souvent
placé au premier rang des sujets d'inquiétude. De plus, ce serait une erreur de croire que la question de
l'emploi est derrière nous, car le taux de chômage est un indicateur en trompe-l'oeil ; il faut plutôt examiner
l'écart de taux d'emploi avec les nations performantes de la Zone Euro et regarder ce que dit, par exemple,
l'économiste Patrick Artus à ce sujet.
Bien d'autres problématiques viennent se greffer sur ces décalages entre réalités et perceptions/aspirations.
Fractures territoriales et demande de sécurité
Faire Peuple, c'est en même temps avoir un sentiment d'appartenance commun à une communauté civique
et à une communauté nationale. Sans doute un défi dans une société éclatée, une France fracturée
géographiquement, socialement, culturellement...
Une France des séquelles de la désindustrialisation, périphérique, rurale, semi-rurale ou périurbaine, qui se
sent pour partie marginalisée par la métropolisation (concentration de l'emploi, accès aux services publics et
mobilité, déserts médicaux), France des gilets jaunes, France où l'extrémisme pèse lourd dans les urnes,
France de la mondialisation mal vécue, mal comprise (la France où je vis...). Cette fracture déjà ressentie
dans les urnes en 1992 au moment du référendum sur le traité de Maastricht, s'est creusée depuis... Les
écarts d'horizons culturels et de valeurs sont sans doute plus importants aujourd'hui entre un enfant d'une
famille vivant de revenus d'assistance depuis trois générations et un enfant d'ingénieur, qu'en 1970 entre un
enfant d'ouvrier et un enfant d'ingénieur. Une partie de la population est déboussolée face à la rapidité des
mutations technologiques qu'elles soient numériques, climatiques, énergétiques.
La France des banlieues paupérisées se sent, elle aussi, reléguée et mal aimée, le dernier mouvement
d'émeutes de jeunes dans ces quartiers défavorisés des grandes villes mais aussi des villes moyennes
maintenant, en témoigne. Il illustre par ailleurs d'autres difficultés de 'faire peuple' car cette France souvent
est celle d'une jeunesse issue d'une immigration, récente ou plus ancienne, qui ne se reconnait pas toujours
dans une France laïcisée et dans notre modèle républicain. Mais la question de la maitrise des flux
migratoires est ancienne et lancinante, et le problème s'il se pose aujourd'hui est en réalité plutôt devant
nous compte-tenu des perspectives démographiques de l'Afrique. Des amalgames et raccourcis réducteurs se
montent autour de tout cela. L'extrême-droite en a fait en partie son fonds de commerce. Il nous faut élargir
notre réflexion et notre action au problème global du développement du continent africain.
Enfin, les attentats du 11 septembre 2001, aux Etats-Unis, puis du 13 novembre 2015, au Bataclan en
France, la multiplication des attaques individuelles, contre les enseignants et représentants de l'autorité, et
toutes les autres atteintes aux personnes et aux biens ont créé un contexte anxiogène. Le besoin de sécurité,
qui s'assoupit fortement par moment, se ravive en période de crises aigües ou d'attentat créant des pointes
de tropisme sécuritaire, même si par ailleurs la communauté civique ou nationale semble alors se ressouder.
Toutes ces problématiques se croisent comme un écheveau pour alimenter le sentiment majoritaire de
défiance et d'insatisfaction. Nous ne sommes donc pas du tout sur une crise qui pourrait trouver sa réponse
simplement dans un changement institutionnel comme en 1957.

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Par ailleurs, les solutions, me semble-t-il, ne relèvent pas seulement des réformes à mener, mais résident
aussi dans un nécessaire effort d'acculturation d'une partie plus importante de la population à certaines
réalités méconnues ou déniées. Démarche compliquée dans un contexte où beaucoup rejettent la parole
institutionnelle, notamment celle



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N° 1 du 1er trim. 1982

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