VIII - Le Mouvement
Avec autant de rigueur que la doctrine communiste procède du matérialisme intégral, la doctrine qui inspire la politique du MRP,
et dont nous venons de rappeler les jalons cohérents, se fonde sur une conception spiritualiste de l'homme, sur une conception
pleinement humaniste de la société.
En face de tous les problèmes les mêmes critères déterminent des positions qui s'ordonnent
les unes aux autres, dans un effort d'ensemble et ces critères se dégagent nettement :
-
La conviction profonde que, dans l'être humain, l'esprit transcende la matière et que le but de la société est de
s'organiser pour permettre à chaque homme de tendre vers l'épanouissement de toute sa personnalité, physique, intellectuelle,
morale et spirituelle.
- La constatation d'un fait historique propre à l'époque moderne : la prise de conscience par les masses de leur dignité
humaine opprimée et l'affirmation de plus en plus nette de leur volonté de libération, remettant en cause les structures
existantes. L'évolution historique est à cet égard irréversible.
-
Enfin l'amour de la France et l'attachement à sa mission historique au service du progrès humain.
Ainsi, le Mouvement Républicain Populaire prend à son compte une réalité de toujours dont l'évolution de notre époque accentue
la force dans la conscience des hommes et les exigences par rapport aux institutions.
La perspective à laquelle se tenaient les partis traditionnels éclate devant la mise en œuvre politique de cette conception. Il
y a bien d'autres choses à faire qu'à servir le prestige d'une étiquette de parti. Un effort immense et ordonné s'impose chaque
jour sans relâche dans tous les domaines de la vie civique, économique et sociale, à l'usine et au village comme dans les plus
hautes sphères de l'Etat, pour transformer les mœurs en même temps que les structures afin de répondre toujours davantage à tous
les besoins de l'homme.
L'instrument de cette action, c'est le Mouvement qui est la première manifestation de la doctrine du MRP. Son ressort n'est pas la
promesse démagogique d'un bonheur parfait qu'il suffirait d'attendre, mais un effort des hommes à se dépasser eux mêmes pour améliorer
constamment leurs conditions de vie commune. Il lui faut être dans la nation comme un levain dans la pâte, comme un élan collectif
qui soulève et rassemble les énergies.
Rien de ce qui est humain ne doit lui être étranger ; tous les problèmes de vie lui importent sans exception, qu'il s'agisse des
difficultés immédiates du ravitaillement, du logement, des prix, de la production, des salaires, ou des grandes réformes de l'avenir,
la réforme de l'Etat, la réforme de l'administration, la réforme scolaire, la réforme de l'entreprise. Les militants ne peuvent
donc pas se contenter d'adhérer vaguement à son organisation, ils s'engagent à fond, quoi qu'il en coûte, résolus à être des
citoyens courageux et désintéressés, se consacrant au bien public, pourchassant les injustices, menant des enquêtes sur tous les
problèmes de l'heure, sur les lieux de travail aussi bien qu'au Parlement et au Gouvernement, pour en rechercher les solutions
positives. Et chaque initiative doit être un jalon posé sur la voie qui conduit à une démocratie rénovée.
Il est clair que ce foisonnement de recherches et d'activités ne trouve sa cohésion que dans une orientation générale,
déterminée une fois pour toutes. Il faut avoir opté et d'abord sur certaines ruptures pour échapper aux hésitations qui paralysent :
et c'est bien là que la doctrine est nécessaire pour guider l'action.
Rien par conséquent de plus éloigné de l'esprit du Mouvement qu'une attitude de négation pure et simple. Nous ne sommes pas des
"anti". L'opposition à tel ou tel courant adverse ne peut être que la conséquence secondaire d'une action constructive qui a
d'abord sa valeur en soi. Avant d'être "contre" nous sommes "pour". Ce serait dénaturer le Mouvement que de le réduire au rôle
d'un frein.
Non point un barrage, donc, mais un courant nouveau à travers lequel les masses s'achemineront vers une véritable libération.
Plongeant de plus en plus ses racines dans la vie populaire, le Mouvement est appelé à être de plus en plus l'instrument d'une
coopération permanente entre l'Etat et le peuple. Développant ses équipes, ses groupes d'action, ses sections, ses fédérations,
dans tous les milieux et dans toutes les régions, le Mouvement peut faire monter jusqu'à l'état les vrais besoins du peuple et
aider le peuple à mieux comprendre le rôle de l'Etat républicain qui représente l'intérêt général.
Si le MRP est né du combat pour la France, pour son honneur, pour sa fidélité, il en porte à jamais la marque. Ce caractère
profondément français du MRP n'exalte pas seulement notre patriotisme, il nous met directement au service de la nation. En voulant
transformer le régime économique et social pour faire disparaître les causes évidentes du désarroi intérieur et de la lutte des
classes, nous travaillons non seulement pour la justice humaine mais au service de la nation française que nous voulons forte de
l'union de tous ses citoyens, et non pas déchirée par les iniquités et par les haines. Nous voulons en cela que la France fidèle
à ses plus hautes traditions, redevienne un exemple pour le monde, car le monde entier vit en ce moment dans l'inquiétude et les
difficultés que nous connaissons chez nous ne sont que l'aspect particulier d'un désarroi universel.
Libération de la France, libération de l'homme : tel est le but qu'assignait au Mouvement celui qui en restera le principal fondateur :
Gilbert Dru, assassiné par la Gestapo, à Lyon, le 23 juillet 1944.
"Libération ! écrivait-il dans un rapport clandestin. Oui, c'est cette mystique qui nous anime aujourd'hui, alors que notre patrie
est en totalité occupée. Mais c'est parce que cette libération du territoire national ne résoudra pas tous les problèmes, qu'elle
doit être le prélude, le point de départ d'une autre libération plus vaste et plus totale qui fera tomber toutes les entraves à un
épanouissement complet de la personne humaine."
Voilà pourquoi ce Mouvement a été créé.
On ne se fait pas tuer pour un intérêt, même politique, pour quelque chose qui vaut moins que la vie. On se fait tuer pour quelque
chose qui vaut plus que la vie, pour une grande cause qui soulève les enthousiasmes et les dévouements. Parmi des milliers d'autres,
Gilbert Dru s'est sacrifié pour cette grande cause humaine au service de laquelle, avec quelques camarades, il venait de fonder le
"Mouvement".
Les martyrs ne sont pas pour nous des panneaux réclames, mais des exemples. Souvenons-nous, camarades et soyons fidèles ! Nous sommes
au début d'un immense travail et nous savons bien déjà que la route n'est pas facile, mais rien ne nous découragera si nous croyons
profondément à l'idéal qui nous rassemble.
Dans le drame de civilisation qui se déroule, le MRP jette sa jeune force, convaincu qu'en dépit des déceptions et des obstacles,
l'espérance chevillée au cœur des hommes finira par avoir raison.