Extraits de textes
Le MRP dans le Nord-Pas-de-Calais, 1944-1967, avant-propos
Editions des beffrois, Dunkerque, 1984, p.8..
« ... Nous avons vécu une grande aventure.
Nous voulions faire passer un souffle sur le marais. Nous avions la nausée de l'ère des
compromis, nous voulions aller de l'avant en affirmant notre authenticité, en criant nos
exigences.
En même temps, nous voulions mettre un terme à cette guerre de tranchées, à ce manichéisme
imbécile qui, déjà, coupait la France en deux.
Nous n'entendions ni lever le poing, ni le bras, mais tendre la main. Nous préférions le
langage de la générosité à celui de la dénonciation permanente.
Nous voulions désengluer notre pays de ses préjugés tenaces. L'ouvrier fraternisait avec le
patron, le syndicaliste avec le paysan, l'ancien montrait le chemin au jeune. On ignorait
alors ce que l'on appelle maintenant le plan de carrière, l'investissement électoral : nous
foncions droit devant nous, tout simplement.
Nous étions plus affamés de doctrine et d'idéal que d'honneurs. Nous ne cherchions pas un
homme surdoué pour nous aligner derrière lui, nous offrions notre dessein à quiconque acceptait
de le vivre. Nous étions assez volontaires, nombreux, organisés pour prier les notables trop
exigeants d'entrer sans préséance chez nous ou de rester à la porte.
Nous ne nous bousculions pas pour être en vitrine, le culte de la personnalité n'existait pas.
Nous préférions le partage des efforts à celui des honneurs. Nos moyens était à la criée. Parfois
même revenant de réunions lointaines, nous passions la nuit dans des salles d'attente de gare
glacées. Nous étions unis par le plus résistant des liens : une âme commune. Notre solidarité
était d'abord une fraternité.
Oui, nous avons vécu une merveilleuse aventure et en avons gardé la nostalgie. Qui ne souhaiterait
la revivre un jour ! »
La charrue et l'étoile
Editions Coprur, Strasbourg, 2000, p. 201-205.
Une réflexion d'André Diligent, sous forme de dialogue avec sa nièce, à partir de la définition de la
démocratie proposée par Marc Sangnier :
« c'est l'organisation politique et sociale qui tend à développer au maximum la conscience
et la responsabilité de chacun, en lui permettant dans le mesure de ses capacités et de ses forces, de
prendre une part effective à la direction des affaires communes »
« La formule de Marc est tout sauf une utopie. Ce n'est pas non plus un programme dans lequel on se
sent enfermé. Un exemple d'actualité.
Selon les années, on réclame plus ou moins d'Etat : après la Libération, les nationalisations
ont été nécessaires pour redresser le pays. Les dénationalisations l'ont été aussi, à une autre époque, pour
relancer l'initiative et la compétition, pour donner un coup de fouet à notre économie. Ce n'est pas une
question de programme, c'est une question de stratégie, tout en croyant toujours aux mêmes valeurs.
Rappelle-toi une fois de plus la phrase de Lacordaire : "Entre le faible et le fort, entre le riche et
le pauvre, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit". Le tout est une question d'adaptation
aux problèmes qui se posent dans un contexte donné.
C'est cette volonté d'adaptation qui nous a fait traiter, tantôt par la gauche, tantôt par la droite de
renégats. C'est aussi une des raisons pour lesquelles les démocrates chrétiens sont généralement attirés
par le centrisme.
Nous nous sommes toujours sentis proches d'Albert Camus, quand il disait : "On ne décide pas de la vérité
d'une pensée selon qu'elle est à droite ou à gauche, et encore moins selon ce que la droite ou la gauche
décide d'en faire".
Car tout n'est pas à rejeter à droite comme à gauche, mais la bipolarisation systématique entraîne un climat
de règlements de comptes permanent, attisé par les ambitions humaines.
Tu me dis : comment passer de la théorie à la pratique. Je te réponds par trois exemples où la formule de
Marc nous a guidés sans ambiguïté et pratiquement :