III - POUR OU CONTRE LA PERSONNE HUMAINE ?


Si nous nous séparons des conceptions, soit libérale, soit communiste de la démocratie, c'est d'abord parce que nous avons conscience d'une aspiration des masses, dans les temps modernes, vers le respect de leur dignité humaine et vers une liberté réellement vécue.

Pour nous, la démocratie est inséparable du respect de tous les hommes en général et de chaque homme en particulier. Elle doit favoriser l'épanouissement de l'homme tout entier dans ses facultés morales et spirituelles autant que dans ses besoins physiques et, c'est bien ainsi que l'entend le peuple.

Le centre du monde, le but essentiel de la société, n'est pas l'argent ni la collectivité étatisée, mais la personne humaine à laquelle tout doit être subordonné.

Cette réalité fondamentale domine tout le débat politique actuel et c'est pourquoi nous devons considérer les mouvements politiques en face desquels nous nous trouvons selon qu'ils sont, non pas pour ou contre le capitalisme, ni pour ou contre le communisme, mais pour ou contre la personne humaine vivant dans le cadre social dont elle est inséparable.

Notre époque, plus que toute autre, impose des options décisives. Si, en effet, l'angoisse commence à gagner le cœur des hommes à travers le monde, ce n'est pas seulement en raison de remous politiques inquiétants, mais parce que la réalité même de la société humaine est en train de changer :

  1. La science a libéré des forces matérielles fantastiques et la guerre, plus encore que l'industrie, en a fait l'épreuve. Il s'agit de savoir si ces forces vont servir à exterminer l'homme, à lui donner paradoxalement la nostalgie d'une paisible antiquité, ou au contraire à le rendre plus heureux en améliorant ses conditions d'existence.
  2. D'autre part, les progrès de la technique, le développement de la division du travail, la rapidité des moyens de transports et de communications, rendent de plus en plus chacun solidaire de ses semblables et de la collectivité. Les rapports sociaux vont en se resserrant et en se multipliant sans cesse.

Dans quel sens cette évolution va-t-elle s'orienter ? Vers un écrasement des personnalités ou vers leur plus grand épanouissement dans une fraternité plus étroite et plus vivante ?

La réponse à ces interrogations capitales ne peut évidemment venir que de l'homme lui-même et de son comportement. L'homme ne peut et ne pourra dominer les forces matérielles multipliées par sa propre intelligence que s'il est capable de se dominer lui-même., de vaincre l'égoïsme et la haine par la fraternité, de s'élever toujours davantage vers la possession de soi qu'Henri Teitgen, à la tribune de la première Assemblée constituante, définissait magnifiquement comme "la manifestation essentielle de la liberté". Et ces facultés humaines ne s'épanouiront que si la société toute entière s'organise dans toutes ses structures en fonction de la primauté de l'homme, de tout homme respectant sa liberté, lui permettant d'exercer ses responsabilités.

C'est pour ne l'avoir pas compris que la démocratie libérale se désagrège et que la démocratie communiste devient forcément dictature.

Le MRP, au contraire, fait de cette affirmation le critère fondamental de sa politique qui consiste à inscrire, non pour une seule élite, mais au profit de tous des conditions favorables au respect et au développement des droits imprescriptibles de l'homme dans les structures économiques et sociales comme dans les institutions politiques.

Telle est la signification de la démocratie à nos yeux, qui apparaît ainsi comme une construction permanente et sans cesse à la recherche du progrès. Nous ne craignons pas de le déclarer, notre politique ne prétend nullement aboutir à la société parfaite par l'application d'un système préconçu. Nous croyons qu'il n'y a pas de limites fixées d'avance au progrès humain. Certes, la société agit sur l'homme, mais aussi l'homme libre est et sera toujours capable d'agir sur les structures sociales dans lesquelles il vit. Il peut aller au-delà des résultats acquis, il peut influer sur le cours de l'histoire. Les buts de l'action politique ne peuvent donc jamais être définitifs. Ils représentent une succession d'étapes ; ce qui importe par dessus tout est que ces étapes soient axées rigoureusement dans la même ligne vers un progrès sans cesse plus grand. Et c'est pourquoi l'unité, la force de notre Mouvement dans son action de chaque jour, à travers tout le pays, exige beaucoup plus qu'un assemblage technique. Elle requiert avant tout une foi ardente en l'homme et en sa destinée, un dévouement totalement désintéressé à son service.

C'est dans cet esprit qu'il convient de dégager les lignes directes de notre effort, qui, en dépit des obstacles, doit tendre vers la construction d'une véritable démocratie politique, économique et sociale en même temps qu'elle veut servir la paix entre les nations.

Nous constaterons que l'ensemble de nos attitudes politiques se trouvent et doivent se trouver toujours davantage étroitement unies dans un tout solidaire parce qu'elles procèdent de la même inspiration et qu'elle tendent vers un même et unique but.