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Le M.R.P. et les Femmes
Le M.R.P. et les Femmes
par Germaine TOUQUET
C'est le gouvernement provisoire de la République française, siégeant à Alger, qui a décidé d'accorder
le droit de vote et l'éligibilité aux femmes françaises. Rappelons que c'est Robert Prigent, jeune
Résistant (qui sera par la suite plusieurs fois ministre de la IVème République) qui malgré l'opposition
de certains de ses collègues a obtenu de l'Assemblée consultative d'Alger un vote favorable permettant
au général de Gaulle d'annoncer, en août 1944, que les femmes seraient désormais "citoyennes à part
entière".
En septembre 1944, un nouveau parti était créé : le Mouvement Républicain de Libération qui deviendra
lors de son congrès constitutif, le 25 novembre de cette même année le Mouvement Républicain Populaire
(MRP).
Dirigé par des hommes et des femmes ayant tenu un rôle important durant la guerre et l'occupation
nazie, le MRP sera, lors des élections législatives en 1946, le premier parti de France, devançant
ainsi le Parti communiste.
Le MRP avait inscrit dans son manifeste "La Révolution par la Loi". Son idéal basé sur les principes
de la "Démocratie chrétienne" attirait les hommes et les femmes prêts à participer au redressement
de la France et à répondre aux préoccupations de l'époque : tout était à revoir, à refaire, à adapter,
à reconstruire, à innover.
L'organisation des activités du Mouvement Républicain Populaire s'appuyait sur la création et l'action
"d'équipes spécialisées" : jeunes, ouvrières, rurales, féminines et de "groupes d'études" réunissant
militants, élus, personnalités pouvant répondre aux préoccupations de l'époque. Ainsi les "Equipes
féminines" seront créées. Simone Rollin, militante familiale en sera la responsable jusqu'en 1947.
Elle sera remplacée par Germaine Touquet.
L'engagement des "femmes MRP" se voulait efficace et tolérant. Pour elles, la "politique" n'était
pas une fin, un métier, la recherche d'un profit quelconque, des honneurs, mais un moyen "pour agir".
Puisque la France était à reconstruire, elles voulaient participer à l'effort général. C'était le
sens de leur engagement politique.
Les "équipes féminines" créées dans chaque fédération MRP (ou département) étaient dirigées par une
Commission nationale composée d'élues nationales et de responsables départementales.
Une responsable nationale et son adjointe étaient élues à chaque Congrès National du MRP c'est à dire
chaque année. Des membres de la Commission nationale féminine étaient élues aux instances du
Mouvement : Comité National, Commission exécutive.
Les activités de la responsable féminine étaient diverses et nombreuses : formation et information
des militantes, voyages dans les fédérations, contacts avec les dirigeantes des associations féminines
et sociales, rencontres avec des personnalités des secteurs économiques et sociaux, rédaction d'articles
pour la presse MRP, pour des journaux féminins suivant l'actualité, relations avec des personnalités étrangères.
Chaque année la responsable nationale devait organiser des journées nationales féminines dont l'ordre
du jour était arrêté par la Commission Nationale. Des questionnaires se rapportant au sujet retenu
étaient adressés aux responsables départementales.
Les rapports présentés, le plus souvent par des "femmes parlementaires", pouvaient permettre le dépôt
de "proposition de loi" ou d'amendements si le sujet faisait l'objet de débat au Parlement.
Les "femmes MRP" ont débattu par exemple de la place des femmes dans la vie économique, de la réforme
des régimes matrimoniaux, de l'évolution sociale, de l'enseignement général et agricole, de la construction
européenne.
Qui se souvient, par exemple,
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que le "régime légal de la communauté "réduite aux acquêts" a été proposé lors de ces rencontres
bien avant son adoption par le Parlement ?
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que la défense des consommateurs est une proposition des femmes MRP que le ministre Robert Buron
a réalisé en créant l'union fédérale de la consommation ?
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que les initiatives des femmes parlementaires furent nombreuses concernant l'égalité des salaires
féminins-masculins, l'aide aux personnes âgées, l'amélioration de la situation des veuves et orphelins
de guerre, des femmes seules, la lutte contre l'alcoolisme, la prostitution ?
En ce qui concerne la représentation parlementaire féminine rappelons-nous qu'aux élections législatives
de 1946 (1ère assemblée nationale) le PC obtenait 26 élues femmes, le MRP 9.
Rappelons aussi que le mode de scrutin, la proportionnelle, permettait l'élection des femmes. Toutes
les femmes parlementaires MRP avaient joué un rôle important dans la Résistance. Elles furent aussi
des parlementaires écoutées et respectées.
Mais nous devons constater qu'il leur était souvent difficile de s'imposer. Pourquoi ?
Rappelons l'action ministérielle de Germaine Poinso-Chapuis, ministre de la santé dans le gouvernement
de Robert Schuman (c'est la première femme ministre de plein exercice de la IVème République). Rappelons
aussi celle de Marie Madeleine Dienesh à qui l'on doit la loi sur la périnatalité et la création
du carnet de santé donné pour chaque enfant à sa naissance. N'oublions pas Francine Lefebvre, ouvrière
chocolatière, qui a su s'imposer par son travail, son intelligence. Et toutes les autres qui savaient
agir, intervenir, proposer.
Il faut aussi mentionner l'action européenne des femmes MRP. C'est en 1955 que fut fondée à La Haye
(Pays-Bas) l'Union Européenne Féminine (UEF) qui regroupait des femmes responsables politiques de
démocratie-chrétienne de l'Autriche, de la France, de l'Italie, des Pays-Bas, de la République fédérale la
allemande et du Parti Conservateur de la Grande-Bretagne et de la Finlande.
D'autres femmes politiques du Danemark, de l'Espagne, de la Grèce, du Luxembourg, de la Belgique,
de la Norvège, du Portugal, de la Suède et de la Suisse ont apporté leur adhésion à l'UEF. qui a
obtenu, depuis 1958, le statut consultatif auprès du Conseil de l'Europe.
Plusieurs femmes UEF ont siégé au Parlement européen à Strasbourg. Plusieurs aussi ont exercé ou exercent
encore des fonctions ministérielles dans leur pays.
Autre activité émanant de l'Equipe Nationale : l'organisation de rencontres franco-allemande.
Une centaine de responsables du monde économique et social, des parlementaires, des dirigeantes
d'associations se sont rendues de 1955 à 1959 en République Fédérale Allemande et aussi à Berlin
(est et ouest).
Dans une thèse consacrée à la question "Femmes dans les partis" (1946-1952) son auteur : William
Guéraiche estime que "le MRP était bien le parti le plus féministe au sens traditionnel du terme
de la IVème République car il canalisait l'activité de ses militantes afin d'être efficace dans le
domaine social".
Germaine TOUQUET
Ancienne Présidente des femmes du MRP
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