Roubaix, 10.05.1919 - Villeneuve d'Ascq, 3.02.2002
Né à Roubaix le 10 mai 1919, André Diligent est le fils de Victor Diligent, grande figure
du Sillon dans le Nord puis animateur de la fédération PDP jusqu'à sa mort prématurée en juillet 1931.
Filleul de Marc Sangnier, André Diligent fait ses études au collège Notre-Dame-des-Victoires de
Roubaix(1), entre à la Faculté libre de droit de Lille en 1937.
Mobilisé durant la guerre, il est affecté à Marrakech où il termine ses études de droit. De
retour en novembre 1942 en France, il devient secrétaire d'un syndicat de confectionneurs dont le
siège, rue Faidherbe à Lille, entre dans la Résistance, est choisi comme commissaire régional
adjoint à la Libération chargé de Radio-Lille.
Avocat de profession, il est élu conseiller municipal en 1947, devient adjoint à la jeunesse et aux
sports du maire socialiste Victor Provost de 1949 à 1953.
Elu député MRP en 1958, secrétaire de l'éphémère Sénat de la Communauté de 1960 à 1961, il est battu
aux législatives de 1962. Sénateur dès 1965, il devient président du groupe de l'Union centriste des
démocrates de progrès à partir de 1974.
Intéressé par les questions liées à la presse, il est administrateur à la société Nord-Eclair-Edition
qu'il préside de 1979 à 1989.
Vice-président du Centre démocrate en 1973 puis du CDS (Centre des démocrates sociaux) en 1974, il est
élu secrétaire général de ce parti de 1977 à 1983.
Conseiller régional en 1974, il préside le groupe d'Action démocratique et régionale dans cette assemblée
et siège au Parlement européen de 1979 à 1984.
Aux municipales de 1983, il est élu dès le premier tour avec l'essentiel de sa liste dans un fief tenu
par les socialistes depuis 70 ans alors que le Front national est très présent. Président du Conseil
national des villes, réélu sénateur en 1983, il doit se résigner, pour des raisons de santé, à démissionner
en 1994 de sa fonction de maire de Roubaix.
Ayant choisi de résider à proximité de l'établissement où vit sa fille, victime du "malheur innocent",
il décède le 3 février 2002 à Villeneuve d'Ascq.
LES GRANDES PRIORITES DE SON ACTION
II s'inscrit dans la lignée de son père avocat "des riches et des pauvres"(2) Avant la guerre,
il est impressionné par les articles de Georges Bidault mais surtout par la position très claire d'Henri
de Kérillis, "seul député de droite à voter contre les pleins pouvoirs à Pétain"(3) ;
il s'investit dans la résistance de retour à Lille en 1942.
A Roubaix, il accepte en 1947 l'alliance avec les socialistes : "c'est une option travailliste volontaire"(4).
Membre de l'imposante section MRP de Roubaix, il prend peu à peu sa place dans la Fédération du Nord.
Dans la défense des résistants du mouvement Voix du Nord dirigé par Natalis Dumez, il rejoint le combat
de son père, avocat du maire de Bailleul en 1927, au risque d'une censure de la part du grand quotidien
régional qui est compensée par le soutien systématique de ses amis de Nord Eclair. Son ouvrage, "Un cheminot
sans importance" retrace le combat de Pierre Hachin et de ses amis résistants pour retrouver l'intégralité
de leurs droits(5).
L'intégrité et l'honnêteté de son caractère, en filiation directe, se retrouvent dans
d'autres combats tels que la volonté d'entrer en contact avec les responsables des mouvements d'indépendance
algériens comme Messali Hadj mais aussi Boudiaf sans pour autant négliger les rencontres avec les harkis.
A Roubaix, il n'hésite pas à organiser des carrefours de la liberté de l'enseignement lors du débat sur
la loi Debré. A partir de 1958, il intervient de plus en plus au niveau fédéral dans les congrès et
les commissions executives comme rapporteur de la politique générale.(6)
Son élection remarquée à Roubaix lors des législatives de 1958 ajoute à son crédit auprès des militants.
Il prend la succession de Jean Catrice dans le rôle d'animateur. Bon orateur, il excelle dans le débat avec
son sens de la répartie aux accents nordistes bien marqués. Cet avocat à la conscience droite et sans détours,
cultive avec ferveur le sens de l'amitié. Il veut faire renaître, à sa manière, dans le MRP cette chaude
ambiance des pionniers du Sillon, celle dont lui a parlé son père.
"II a de l'ambition pour ses idées plus
que pour sa personne", fait remarquer Roger Delelis qui a eu souvent l'occasion de le côtoyer dans les innombrables
tournées auprès des élus locaux(7). Ne
cherchant jamais à se mettre en avant, il a quelquefois, par manque d'ambition personnelle, laissé passer
une chance réelle d'élection.
Homme de principe, attaché à la conception chrétienne de l'homme, il est inflexible sur certaines questions
telles que l'avortement sans pour autant refuser le débat. Il aime citer Voltaire : "je ne partage en rien vos
idées, mais je me ferais tuer pour que vous puissiez les exprimer".
Dans son combat politique, il sait faire preuve de lucidité et de réalisme politique. Elu député
en 1958, secrétaire de l'éphémère Sénat de la Communauté de 1960 à 1961, il est
doublement battu en 1962, d'abord au sein du MRP où il aurait souhaité, après avoir lu des articles d'André Philip,
une approbation du système d'élection du président de la République, au suffrage universel direct, ensuite
aux législatives comme candidat républicain populaire(8).
En effet, avec Paul Bacon, Maurice Schumann pourtant différents dans leurs options, il comprend alors que l'élection
du président de la République au suffrage universel est une proposition qui va recevoir l'aval de la majorité
des citoyens et que, donc, par esprit démocratique, il faut s'y rallier plutôt que de s'opposer au nom du respect des corps
intermédiaires, de la " démocratie de groupes ". Il constate d'autre part à la commission executive du
15 mai 1963 que "le travaillisme est dépassé alors qu'il fut notre chance il y a dix ans". Il en tire les
conséquences en contribuant à orienter le MRP vers un "recentrage" politique.
Il apprécie le travail du Sénat où il est élu en 1965 : "à l'Assemblée, on s'agite, au Sénat,
on médite"(9).
Intéressé par les questions liées aux médias, il siège au comité des programmes de
télévision de 1965 à 1967, propose la création d'une commission sur les sociétés de
rédacteurs et dénonce la publicité clandestine sur le petit écran en 1972. Ses rapports sur le budget
de l'ORTF et ses propositions le font connaître en France et pourraient bien expliquer son échec en 1974. Surnommé
"le Candide du Sénat", il n'hésite pas en effet à dénoncer "les trois maladies de l'ORTF : gaspillage,
copinage, téléguidage".
Ayant acquis une dimension politique régionale et nationale, " ce tribun chaleureux "(10)
devient, en 1983, le maire de sa ville natale sinistrée par la crise.
Conscient de l'hégémonie lilloise qu'il n'hésite pas à dénoncer par des actions d'éclat
telles qu'une lettre ouverte à Pierre Mauroy ou une occupation avec une poignée d'élus d'un salon de la
préfecture à la fin des années quatre-vingt, il veut renforcer l'union des deux autres pôles de
l'agglomération, Tourcoing et Roubaix, formant le versant nord-est.
Il s'ingénie à faciliter l'implantation d'entreprises du secteur tertiaire dans une ville dont la vocation
secondaire traditionnelle est frappée de plein fouet par la crise économique.
Bruno BETHOUART
Professeur d'histoire contemporaine à l'université du Littoral Côte d'Opale
Ouvrages d'André Diligent
Notes :
__________________________________
1 | André Caudron, Dictionnaire. ..- j. du monde religieux dans la France contemporaine. Lille Flandres, t.4, Paris, Beauchesne, 1990, p. 197-198. |
2 | Interview d'A. Diligent le 27.12.2000. |
3 | Interview d'A. Diligent, 27.12.2000. |
4 | Ibidem. |
5 | André Diligent, Un cheminot sans importance, Paris, France-Empire, 1975. Cet ouvrage a obtenu en 1979 le Prix littéraire de la Résistance. |
6 | Bruno Béthouart, Le MRP dans le Nord-Pas-de-Calais 1944-1967, Dunkerque, Editions des beffrois, 1984. |
7 | Interview de Roger Delelis, 12.11.1971. |
8 | B. Béthouart, Le MRP dans le Nord-Pas-de-Calais 1944-1967, Dunkerque, Editions des beffrois, 1984, p. 138. |
9 | Interview d'A. Diligent, 27.12.2000. |
10 | André Caudron, op. cit. |
11 | Titre du bel hommage rendu par un de ses amis proches, Jules Clauwaert dans l'éditorial de Nord-Eclair du 5.02.2002. |
12 | André Diligent, La charrue et l'étoile, Strasbourg, Coprur, 2000. |
13 | "Apocalypse de Jean", 14 ", Nouveau Testament, Traduction oecuménique de la Bible, Pans, Les éditions du Cerf, 1974, p. 543-544. |