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Grandes figures
BACON, Pierre
BIDAULT, Georges
COLIN, André
DILIGENT, André
FONTANET, Joseph
LECANUET, Jean
MENTHON (de), F.
PFLIMLIN, Pierre
POHER, Alain
SCHUMAN, Robert
LEFEBVRE, Francine
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Autres documents
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BIOGRAPHIE: L'homme et son action
André Colin n'était pas l'un des leaders du MRP les mieux connus mais il était l'un des plus représentatifs et l'un des plus importants. Pierre Pflimlin, qui lui a succédé à la présidence du mouvement en 1963, l'a qualifié dans ses Mémoires de "véritable fondateur du MRP" au lendemain de la guerre, sous les auspices de Georges Bidault.
Représentatif il l'est au plus haut point car il réunit pleinement dans sa personne, comme Georges Bidault, les deux sources des dirigeants MRP : L'Action Catholique de la Jeunesse Française (ACJF) dont il a été le président et la Résistance, commencée dès son appel à Radio Beyrouth le 29 juin 1940. Dès son retour en France, il participera à l'organisation de la Résistance et deviendra membre du Conseil National de la Résistance (CNR). Ce qui lui vaudra (après la Croix de guerre 1939-1945 avec Palmes) la médaille de la Résistance avec rosette.
La Résistance a été le véritable creuset où s'est forgée l'union entre les diverses tendances de la démocratie d'inspiration chrétienne (Parti Démocrate Populaire, Jeune République) et la fusion entre les générations.
L'origine du Mouvement se situe à Paris, à la fin d'octobre et au début de novembre 1943 lorsque Gilbert Dru - militant de la JEC, étudiant à la faculté des Lettres de Lyon - et Jean Gilibert de Brives - futur président des jeunes du MRP - vinrent trouver Francisque Gay, directeur de l'Aube, Georges Bidault et André Colin.
L'initiative de Gilbert Dru - fusillé par la Gestapo place Bellecourt avec d'autres résistants au début de juillet 1944 - a été très importante. C'est lui qui a eu le premier l'idée d'un grand Mouvement politique nouveau, rompant avec les routines du passé, et conciliant "les droits de l'homme et la mystique démocrate d'inspiration chrétienne".
Le travail de mise en place de ce projet fut confié à André Colin, qui en sera l'organisateur. Pendant quelques jours de l'été 1944 André Colin et Maurice René Simmonet - secrétaire général du MRP de 1955 à 1963 -, cachés dans les montagnes de l'Ardèche, rédigèrent un projet de manifeste pour le "Mouvement de libération nationale". Celui-ci deviendra, à son premier congrès de Paris, le Mouvement Républicain Populaire.
Le manifeste s'intitulait "lignes d'action pour la libération"; il intégrait le programme du CNR qui était la charte commune de tous les résistants français, mais l'élargissait et le complétait à la lumière d'une conception spiritualiste de l'homme et de la société.
L'objectif majeur était d'assurer à chaque homme les conditions économiques de la liberté politique, bref l'épanouissement de la personne humaine, par divers moyens en particulier la nationalisation du crédit et des sources d'énergie, l'instauration de la sécurité sociale pour tous, ainsi que la transformation progressive de l'entreprise pour instaurer de nouveaux rapports entre le capital et le travail. Le Mouvement prenait ainsi position contre le régime antérieur, une conception strictement individualiste de la démocratie, rompant résolument avec Vichy et avec les faiblesses de la 3ème République.
Hostile à la fois à un libéralisme sans frein et au collectivisme autoritaire des marxistes, André Colin, comme les universitaires nombreux au MRP, marqués par les leçons de la grande crise de 1929-1930 et par la pensée de Keynes, croyaient à la nécessité de l'intervention de l'Etat dans l'économie et d'un haut niveau de protection sociale, auquel il ajoutait une grande politique familiale.
Héritier du christianisme social, il était en même temps hostile à l'étatisation de l'économie et résolu à promouvoir l'essor des initiatives et des investissements, garantie de la croissance et de l'emploi.
La "Révolution par la loi" signifiait l'avènement d'une République nouvelle et un réformisme social audacieux d'inspiration chrétienne. Synthèse difficile et originale que symbolise bien la devise définissant la "démocratie chrétienne" : "justice et liberté". Un troisième mot devait s'ajouter à cette devise : la paix par l'union de l'Europe.
André Colin devint tout naturellement secrétaire général - après Robert Bichet appelé au gouvernement - de 1945 à 1955, assisté d'un secrétaire général adjoint très remarquable, Albert Gortais. Il a donc joué un rôle majeur non seulement dans l'organisation et l'orientation du MRP mais dans la politique nationale. Pour peser sur les décisions, il fallait, si possible, siéger au gouvernement. Georges Bidault avait été le premier catholique militant à devenir président du Conseil. André Colin sera le premier catholique militant à exercer des responsabilités au ministère de l'Intérieur en tant que secrétaire d'Etat de 1949 à 1953 dans cinq gouvernements.
Ses profondes convictions chrétiennes ne lui paraissaient pas incompatibles avec la loi de 1905 instaurant la séparation de l'Eglise et de l'Etat ni avec respect de la laïcité dès lors qu'elle serait appliquée sans sectarisme.(1). Dans cet esprit et, pour éviter toute assimilation du MRP à un parti confessionnel, à une droite catholique, il n'était pas favorable à l'adoption en France du titre de "Parti Démocrate Chrétien", ce qui n'a pas toujours été compris par nos partenaires européens, avec lesquels le MRP avait noué cependant des relations étroites. André Colin connaissait particulièrement bien la démocratie chrétienne italienne comme Georges Bidault.
Lors de la création en 1947 des "Nouvelles Equipes Internationales", premier embryon d'une union européenne des démocrates chrétiens, nos amis étrangers souhaitaient une organisation structurée. Au nom du MRP, presque unanime à l'époque sur ce point, André Colin "soutenait qu'une véritable Internationale devait être une organisation où tous les partis qui la composent seraient amenés à prendre, dans leur pays respectif et devant l'opinion publique internationale, sur un problème donné, la même position. Et cela ne lui semblait pas possible. Il préférait donc à ce type d'Internationale une association de personnes. Après un long et passionnant débat on aboutit à une solution qui tenait compte de la diversité des situations nationales. Des "Equipes nationales" furent constituées (2).
Il faudra attendre le congrès de Taormina en 1965 et la présidence de Pierre Pflimlin puis de Jean Lecanuet pour voir naître "l'Union Européenne des Démocrates Chrétiens" avec la pleine participation de son partenaire français.
La montée du gaullisme et des indépendants d'Antoine Pinay allait conduire à un déclin progressif du MRP, qu'André Colin s'efforcera de gérer au mieux comme secrétaire général puis comme président. Le retour au pouvoir du général de Gaulle dans des circonstances dramatiques - André Colin était ministre de la France d'Outre Mer dans le gouvernement de Pierre Pflimlin - fut un choc sismique car une grande partie de l'électorat du MRP s'y rallia. André Colin n'était pas favorable au retour au gouvernement de Pierre Pflimlin en 1962.
Devenu sénateur du Finistère en 1959 - après un échec aux législatives de 1958 - il va jouer au Sénat un très grand rôle en tant que président de groupe. C'est lui qui a été le principal orateur sur le projet de la réforme de la Région et du Sénat qui aurait réduit celui-ci à un conseil économique et social. Il est un de ceux qui ont le plus pesé en faveur du "non" à ce projet hasardeux du général de Gaulle, qui a conduit à sa démission... Si ses rapports avec Monnerville n'avaient pas été mauvais, il aurait eu alors des chances sérieuses de devenir président du Sénat.
On ne peut évoquer l'action et l'oeuvre d'André Colin sans rappeler son enracinement en Bretagne, où la démocratie d'inspiration chrétienne a depuis dérivé vers les partis gaullistes ou le parti socialiste. On sait tout ce qu'il a fait pour le développement de cette région chère à son coeur. L'une de ses dernières actions fut de présider la commission d'enquêtes sur l'Amoco Cadiz qui avait pollué les côtes bretonnes. Dans son bureau du Sénat il y avait au mur une magnifique et impressionnante photo du phare de l'île d'Ouessant qu'il a longtemps représentée au conseil général. Est-il plus beau symbole de la Bretagne ?
Ayant beaucoup travaillé avec lui, en tant que responsable des relations internationales, au secrétariat général du MRP, je garde le souvenir d'un homme attachant, intelligent, subtil, tenace, secret, un peu rugueux mais sensible et chaleureux dans les rapports personnels. Le breton ne se livre pas facilement mais on peut lui faire confiance. Il est solide comme le granit. Quand il donne son amitié il ne la reprend pas. En Bretagne il y a parfois des brumes et des tempêtes mais la lumière y est belle.
Jacques Mallet
Notes :
1 l'aide à l'école libre instaurée par la loi Barangé sera un brandon de discorde entre le MRP et le parti socialiste. Le problème sera durablement résolu par la loi Debré au début de la Vème République.
2 cf. Robert Bichet, La démocratie Chrétienne en France, le MRP (Besançon 1980)
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