les éléments fondateurs les dirigeants, les dates, ... LE texte doctrinal les réalisations du MRP les personnages les plus représentatifs les écrits les écrits




  MRP et les femmes
  Les grandes leçons du passé
  Trois résultats
  L'oeuvre sociale
  Oeuvre européenne





Les grandes leçons du passé et la
Les grandes leçons du passé et la
signification du M.R.P.
signification du M.R.P.


Ce texte constitue la conclusion d'un numéro spécial de l'hebdomadaire "Forces Nouvelles", hebdomadaire du MRP, sur ses origines et sa mission (publié en 1953).

Le regard jeté sur les origines lointaines et proches de notre Mouvement nous incite à réfléchir, à prendre de de la hauteur par rapport à nos problèmes immédiats dont le sens ne se dégage qu'en fonction d'une évolution séculaire.

De grandes leçons doivent être tirées, qui renforcent l'action d'aujourd'hui et éclairent les voies de l'avenir.




1 LE M.R.P. A BOUSCULE LES CLASSIFICATIONS POLITIQUES D'AVANT-GUERRE  

L'examen du lent cheminement d'une grande idée politique à travers le XIXe siècle, les débuts du XXe siècle et l'entre-deux guerres, montre bien l'immense difficulté de rompre avec les coalitions d'intérêts et les préjugés ancrés dans l'opinion publique.
Pendant plusieurs générations les forces politiques de la France se sont cristallisées en deux blocs, comme nous l'avons noté.


Les deux blocs

A droite, les intérêts économiques, conservateurs de leurs positions, voulant se protéger à la fois contre les révolutions et contre les réformes, attirant par la garantie de l'ordre établi une large part de la paysannerie et des classes moyennes qui n'aiment pas l'aventure, se couvrant souvent des prétextes cléricaux d'une défense religieuse qui se rattache elle-même très volontiers à de lointaines traditions d'ordre et de respect du pouvoir.

A gauche, les forces populaires assoiffées de justice sociale ne trouvant leur expression que dans des partis socialistes, réformistes ou révolutionnaires, pénétrés d'une philosophie matérialiste, anticléricaux et même antireligieux à la fois en raison de leurs théories et à cause des adversaires conservateurs cléricaux qu'ils avaient à combattre.

Ainsi les forces vives du pays étaient-elles coupées en deux et divisées par des notions également fausses. Ces deux fractions hostiles s'épuisaient réciproquement dans leur lutte.
Affaiblissant la nation en tant que telle devant les impérialismes étrangers, elles rendaient impossible toute transformation durable et ordonnée de l'organisation économique et sociale, condamnant par là même à l'insécurité permanente et aux contradictions une démocratie politique à laquelle la grande majorité du peuple aspirait pourtant de plus en plus.
D'où les révolutions manquées de 1830 et de 1848, d'où les lenteurs du progrès social, d'où les querelles politico-religieuses de la IIIème République, d'où le déclin de cette République, qui, après de grandes réussites (l'expansion coloniale, la victoire de 1918), s'est trouvée finalement vieillie, presque sans flamme et sans défense devant Hitler.

Une lutte d'un siècle contre l'incompréhension
Pendant plus d'un siècle une poignée d'hommes qui comprenait de plus en plus la fausseté tragique de ce dilemme a lutté pour en libérer la France. A chaque époque, à chaque manifestation active de leur conviction, ces hommes ont été couverts d'injures des deux côtés. Les chefs de file des deux blocs ont mis tout en oeuvre pour les faire taire et ils y ont souvent réussi, (l'Avenir, l'Ere Nouvelle), mais sans jamais parvenir à anéantir complètement cette jeune foi démocratique, qui comptait toujours des fidèles héroïques et qui lentement et obscurément faisait son chemin.

Le but politique de ces démocrates convaincus a toujours été de rompre avec cette funeste cassure droite-gauche, d'en finir avec la stupide opposition entre la justice sociale et la liberté spirituelle, de réconcilier au contraire l'une et l'autre dans la République, de réunir le respect des valeurs spirituelles .et le service du peuple dans le progrès des structures et des moeurs.

LACORDAIRE, MONTALEMBERT, OZANAM ont porté les premiers témoignages et posé les premiers jalons. Le Sillon a été une magnifique explosion de ferveur généreuse, mais sans déboucher sur le plan de l'action politique véritable.
Le P.D.P. et la J.R. pendant l'entre-deux guerres ont courageusement et difficilement pénétré le parlement en y maintenant, sans pouvoir les élargir, des positions trop étroites.
Il a fallu la secousse terrible d'une nouvelle guerre, l'épreuve de l'occupation et des libertés perdues pour que l'opinion française soit obligée d'enregistrer certaines faillites et de chercher des orientations nouvelles, au delà des vieilles classifications. Il a fallu que les militants démocrates de toujours, simplement fidèles à leur devoir patriotique, soient à la tête de la Résistance contre l'oppresseur pour qu'un grand nombre de citoyens s'interrogent et se disent que ces hommes là, honnêtes et courageux, ayant risqué la mort et la torture, devaient être sans doute porteurs d'un message, jusque là méconnu, capable d'animer le redressement du pays.

Le rassemblement des démocrates attachés à la liberté et à la justice
Alors, la Libération venue, ce fut la percée politique entre les vieilles forteresses ébranlées. Un nouveau centre de gravité devenait possible à la politique française, à la seule condition que l'opinion se souvienne de la leçon des événements.

Le Mouvement Républicain Populaire a surgi, jeune et vigoureux, fort du prestige acquîs par ses chefs dans la Resistance et de l'enthousiasme de ses militants, riche de générosité et d'élan de rénovation. C'est grâce à lui qu'ont pu être réalisées, alors sans désordre, les grandes réformes de structure de la IVème République qui, malgré une propagande partisane, demeurent les meilleurs atouts et la plus sûre caution d'une politique économique et sociale de progrès.

Après le départ des Ministres communistes du gouvernement Ramadier, c'est le M.R.P. qui a rendu possible le vaste regroupement des forces démocratiques qui s'est opéré contre, d'une part, le communisme soviétique totalitaire et déserteur de la nation, et d'autre part, le conservatisme égoïste et obtus, allié à l'opposition anticonstitutionnelle de droite. Certes, ce regroupement n'a pas été sans difficultés internes. Il a cependant permis, malgré la multiplicité des obstacles, l'immensité des charges nationales et l'assaut permanent des oppositions, un redressement qui a étonné le monde. Or, jamais un tel regroupement n'aurait été possible sous cette forme avant 1939.
Alors les partis qui se réclamaient de la défense des libertés spirituelles étaient trop souvent les représentants des intérêt égoïstes des possédants et se montraient hostiles au progrès, parfois à la République elle-même.

Par contre, les partis de gauche, épris de justice sociale, étaient traditionnellement anticléricaux. C'est le M.R.P., héritier des LACORDAIRE et des OZANAM qui, en proclamant sa volonté de défendre simultanément les valeurs spirituelles, et le progrès social, a fait éclater les vieux clivages politiques traditionnels et permis l'alliance des partis républicains qui a sauvé les institutions et relevé la France sous la première législature.

Cependant, les traces de la guerre, de la Résistance, de la Libération s'estompant dans beaucoup de mémoires, on a vu progressivement ressurgir les vieilles querelles que nos ancêtres ont trop connues. Les socialistes qui avaient les.premiers rompu le statut quo en faisant voter la nationalisation des écoles des houillères, ont pris prétexte de la loi BARANGE pour se séparer des partis apparentés avec eux aux élections générales. Nos adversaires de droite, qui s'étaient peureusement repliés au moment de la Libération, ont dirigé de nouveau leurs attaques violentes ou perfides contre notre effort, et se sont livrés à une démagogie sans frein, trop commode en un temps où la Nation en présence d'immenses tâches et de lourds devoirs ne peut se sauver que par l'acceptation des sacrifices et par la permanence de l'effort de tous.

Le M.R.P. doit refuser fermement les faux dilemmes dans lesquels le retour aux vieux clivages politiques risquerait de l'enfermer.
Il lui appartient, malgré le sursaut des antagonismes anciens que l'on aurait pu croire oubliés définitivement, tant ils sont dépassés, de défendre la longue et noble tradition dont il se réclame, et de lui conserver la nouvelle jeunesse et la portée jusqu'alors inconnue qu'il lui avait données à la Libération.
Car la démocratie d'inspiration chrétienne, par lui, peut appeler le respect et la collaboration de l'ensemble des démocrates, attachés à la liberté autant qu'à la justice, croyants puisant directement dans l'Evangile l'esprit de fraternité, ou incroyants attachés moralement aux valeurs qui seules peuvent donner un épanouissement à la vie de l'homme, tous participant, consciemment ou non, à une forme de civilisation pétrie d'une influence chrétienne vis-à-vis de laquelle son seul tort a été de ne pas être assez fidèle en laissant s'établir plus ou moins, selon les âges, l'injustice et l'oppression.

C'est à cette civilisation là qu'il faut donner un visage nouveau, accueillant à tous les humains, traduisant leurs espérances en fonction des leçons de l'histoire et d'une vue des problèmes gigantesques de l'époque moderne. Le M.R.P. est né, en France, pour assurer une telle mission dont l'accomplissement peut et doit rassembler tous les hommes de bonne volonté.

Le M.R.P. a donné, pour la première fois, une grande chance à la France républicaine : cette chance il faut la préserver, l'affermir, et mettre tout en oeuvre pour qu'à travers elle se bâtisse, avec toute sa hauteur et sa largeur, la République pure et dure que nous voulons, la République démocratique et sociale. Les générations d'avant nous ont préparé la voie. La nôtre s'est hardiment engagée dans cette voie ouverte. L'essentiel est d'y progresser, même si notre génération à nous, après avoir tout donné, n'en voit pas le bout. Alors nos successeurs feront mieux encore, mais grâce aux résultats qu'il aura dépendu de nous d'obtenir.




2 L'UNION FAIT LA FORCE  

A cette première leçon s'en ajoute une autre. Pendant des dizaines d'années les démocrates d'inspiration chrétienne ont dû leur faiblesse non seulement à la solidité des forces adverses mais à leurs propres divisions. Manque de liaison entre les forces politiques et forces d'action sociale, (nous ne parlons pas ici d'un confusionnisme dangereux, en particulier entre le syndicalisme et la politique, mais de contacts méthodiques en vue d'éclairer réciproquement les terrains d'action), divisions néfastes sur le plan politique même, alors qu'il y avait en fait communauté de convictions et communauté de destin entre éléments qui s'ignoraient par trop, ou même qui se combattaient entre eux. Francisque GAY l'avait bien vu lorsqu'on 1935 il rédigeait son fameux "Mémoire confidentiel".

L'unité et l'organisation démocratique.
Il y a et il y aura toujours des "tempéraments" divers au sein d'un même courant politique : les uns plus prudents et les autres plus audacieux, les uns plus tacticiens et les autres plus techniciens, les uns plus strictement politiques, les autres plus préoccupés du problème social en lui-même.
La vérité de l'action ne peut apparaître que dans un dialogue loyal et franc entre ces divers points de vue, et dans la recherche permanente d'une synthèse positive. A partir du moment où l'on quitte le terrain des idées pures, de la propagande, de la revendication des programmes préalables, pour passer sur le terrain de l'action directe, dans le cadre des institutions, corps à corps avec les problèmes concrets, avec une responsabilité totale à prendre devant les vivants et devant l'histoire, la vérité apparaît complexe et il est indispensable de confronter les jugements et les réflexes pour aller de l'avant, ou après coup pour critiquer les résultats.
Car le plus souvent chacun a un peu raison et un peu tort. Nous n'évoquons pas ici les compromis nègre-blanc, avec une vague motion a l'appui, mais la difficulté constante d'apprécier la réalité des faits tout court.

Car il faut bien se rendre compte de ce que la politique dans le monde moderne est caractérisée par la complexité et l'enchevêtrement de tous les problèmes, et on ne peut en isoler réellement aucun : les prix, les salaires, le pouvoir d'achat, la monnaie, le commerce extérieur, les relations internationales, les coalitions politiques, l'ordre ou le désordre dans la rue, le sort des libertés, le fonctionnement des rouages constitutionnels... tout se tient en permanence.
Chaque décision à prendre exige donc, dans les instances du Mouvement comme au sein du Parlement et du gouvernement, un grand effort de réflexion et d'observation lucide. D'autant plus que l'homme politique, ou le Mouvement politique, n'est pas seulement responsable de ses actes immédiats : il est toujours responsable de toutes les conséquences proches ou lointaines dans tous les domaines, et dans des circonstances difficiles à prévoir.

L'organisation démocratique du Mouvement qui permet à chaque point de vue, à chaque expérience particulière, de s'exprimer et de se confronter avec les autres, dans le même attachement à un idéal commun, est donc un gage d'efficacité dans l'action.
Dans ce cadre à la fois démocratique et ordonné, l'union enfin réalisée au sein du M.R.P. de forces plus ou moins dispersées jadis, est un progrès énorme au maintien et au développement duquel chaque militant doit veiller.

Un mouvement appuyé sur le peuple
C'est d'autant plus vrai qu'à l'époque moderne il n'est de grande politique possible qu'avec l'appui d'un mouvement de masse. Nos prédécesseurs n'avaient pas été en mesure de le déclencher, les circonstances leur étant systématiquement défavorables. Le M.R.P. a pu lui donner naissance. Le retour vers de petites chapelles à l'intérieur desquelles on se louerait dune pureté intérieure, on se féliciterait d'avoir raison, mais sans pouvoir exercer une prise efficace sur le cours des événements, serait une faillite pour notre idéal du seul fait qu'il laisserait pratiquement le champ libre aux forces adverses.
Car ce que le peuple attend du M.R.P. c'est qu'ïl agisse et non seulement qu'il porte un témoignage moral. Pour agir il faut être fort. Et la force politique, condition d'efficacité, suppose en régime démocratique le nombre. Qu'on s'en réjouisse ou qu'on le regrette, c'est ainsi.
Par conséquent : autant il faut se garder de l'opportunisme genre radical, qui va n'importe où au gré du courant et qui, en fin de compte, ne mène à rien, autant il faut se garder de la tentation subtile qui guette parfois certains d'entre nous et qui consiste à souhaiter secrètement d'être rejetés hors des responsabilités et des institutions où l'on peut avoir une part effective d'influence sur le destin du pays, en fait hors de lutte.

Lorsque nous parlons de mouvement de masse et de force politique, cela ne veut pas uniquement et forcément dire : nombreux électeurs, nombreux élus, nombreux ministres (car il y a des cas-limites où, sur le plan électoral, on peut être amené à risquer et accepter un échec électoral passager parce que le service du pays exige que l'on prenne des initiatives et des responsabilités que l'opinion comprend mal dans le moment : nous l'avons bien vu déjà depuis quatre ans).
Cela veut dire aussi contact permanent avec le peuple, avec sa vie, ses espérances, ses inquiétudes, et avec toutes les réalités de la vie nationale. C'est là le Mouvement, avec ses sections, ses équipes, ses fédérations, ses sections d'études et d'action. Retomber au stade des simples comités électoraux c'est nier le Mouvement, le vider de son contenu, et au bout du compte c'est sacrifier les espérances de la IVème République pour les facilités et les illusions de la IIIème dont on sait comment elle a sombré.

La fidélité se prouve par l'action
Comme l'a écrit Etienne BORNE "l'esprit d'une politique démocratique, c'est que pureté et efficacité ne sont pas incompatibles. Le M.R.P. s'enracine dans une tradition selon laquelle le spirituel doit animer le politique : il y a là une sorte de conviction sacrée qui fait son originalité".

La démocratie est pour nous une construction permanente, et sans cesse à la recherche du progrès. Nous ne saurions promettre une société parfaite à réaliser par le seul jeu d'un système a priori. Notre mission finale c'est d'assurer la dignité de l'homme et son bonheur, mais cette orientation fondamentale ne saurait prévaloir par le fait unique de bonnes intentions.

Un homme politique se juge sur ses actes et sur les conséquences de ses actes. N'en déplaise aux faiseurs de plans et aux causeurs distingués qui jugent notre action trop terre à terre, il faut pour atteindre les objectifs que nous désigne notre idéal, mener un Combat quotidien, ingrat, modeste, parfois médiocre, qui peut paraître souvent bien loin de nos ambitions.

Mais de ce combat dépend l'existence des hommes et des femmes, des familles de ce pays, qu'il faut préserver de la discorde et de la guerre, à qui il faut assurer chaque jour des conditions de vie plus dignes et plus heureuses. "C'est pourquoi tous les problèmes de la vie nous importent, sans exception, qu'il s'agisse des difficultés immédiates du logement, des prix, de la production, des salaires, ou qu'il s'agisse des grandes réformes de l'avenir", comme le déclarait André COLIN, au Congrès de LYON.

Certes nous n'avons pas réalisé toutes nos espérances. Nous n'avons aucune honte à le reconnaître. Notre tâche d'ailleurs n'est que commencée. Et sans doute aurions-nous pu être souvent plus efficaces si ceux-là même qui nous critiquent n'avaient pas entravé notre action, par leur abstention ou même par leur opposition. Mais où en serait le pays si le M.R.P. n'avait pas assumé, depuis huit ans, pour la France, les écrasantes responsabilités qui ont été les siennes ?

"La politique ne se distingue pas d'un civisme actif"
Que méditent cet axiome ceux qui croient à une politique désincarnée où le témoignage gratuit prendrait la place de l'affrontement des réalités. Le progrès, la liberté, la justice, la paix ne peuvent être que l'oeuvre des forts.