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Les partis d’inspiration chrétienne
Les partis d’inspiration chrétienne
en Europe et dans le monde
en Europe et dans le monde

par Jean-Marie Mayeur


Les partis chrétiens représentent une réalité originale dans l'éventail des partis politiques des XIXème et XXème siècle.
Le terme ne peut valablement s'appliquer qu'aux formations et organisations qui se réclament, à leur origine même, du christianisme et de ses principes sur l'organisation de leur société.

C'est pourquoi on ne peut compter au nombre des partis d'inspiration chrétienne les partis conservateurs, même si les catholiques (en France, en Espagne) ou les protestants (en Prusse) y tiennent une place appréciable, et si la défense du rôle des églises dans la société est une de leurs préoccupations.

Les partis dynastiques, marqués par la pensée traditionaliste, comme les légitimistes en France, les carlistes en Espagne, ne peuvent non plus figurer dans un inventaire des partis d'inspiration chrétienne. La fidélité monarchique est première, même si l'attachement à la foi religieuse y est intimement associée.

Les partis d'inspiration chrétienne apparaissent dans le paysage politique de l'Europe de la deuxième moitié du XIXème siècle.
Hormis la tentative de Ludwig von Gerlach en Prusse, seuls les Pays Bas, avec le parti chrétien historique et le Parti antirévolutionnaire, connaissent des partis protestants.
La défiance du luthéranisme vis à vis du monde et la doctrine des "Deux Règnes", l'invite du calvinisme au libre exercice de la responsabilité individuelle, ont détourné les protestants de la constitution de "partis religieux".

En revanche, à partir des années 1830, et surtout du dernier tiers du XIXème siècle, s'affirment, dans plusieurs pays d'Europe, des partis qui se disent catholiques, ou que les contemporains désignent ainsi, même si ce n'est pas la désignation officielle. C'est ainsi que le Centre allemand, la plus importante de ces formations, s'est refusé à toute appellation confessionnelle, selon le vœu de Windthorst, soucieux d'attirer l'électorat protestant.

La diversité des dénominations est remarquable :

  • Fédération des Cercles catholiques en Belgique,
  • Katholische Volkspartei dans le grand-duché de Bade à la fin des années 1860,
  • Parti chrétien social en Autriche,
  • Ligue démocratique, terme qui témoigne d'une orientation démocrate-chrétienne pour une composante du parti catholique belge en1891.

Au début du XXème siècle, ces partis n'ont d'existence véritable que dans les petits Etats de l'Europe libérale, Belgique, Pays-Bas, Suisse et dans les Empires allemand et austro-hongrois.
Seul de ces partis, le parti catholique belge détient le pouvoir, depuis 1884, face aux libéraux et aux socialistes.

En France, et en Espagne, les tentatives de partis d'inspiration chrétienne se font jour avant 1914, puis dans les années 1920 ; elles ne connaissent qu'un succès limité, à cause de l'attachement de fait au pluralisme politique des catholiques et de la force des partis conservateurs, qui ne veulent pas passer pour "cléricaux".

Aux origines des partis d'inspiration chrétienne, une démarche est commune :

  • user des institutions libérales,
  • se placer sur le terrain du droit commun, 
  • en appeler à l'opinion publique.

Ces partis sont au départ des partis de défense religieuse, qu'il s'agisse des minorités catholiques qui veulent défendre leurs libertés au sein d'Etats protestants, ou des catholiques (et parfois des protestants) touchés, à partir des années 1860 par des politiques anticléricales, l'exemple du centre allemand s'impose ici.

Mais ces partis, au-delà de la défense des libertés religieuses, se donnèrent un programme politique et social propre, qui se réclamait d'une philosophie politique et sociale, d'une "Weltanschauung", d'une vision de la cité et de l'homme, inspirées par le christianisme.
Ils se veulent "catholiques d'abord", face à une société en voie de sécularisation. Ils doivent particulièrement, à partir de la fin du XIXème siècle, aux idées et aux initiatives diffusées par le catholicisme social, et, aux Pays-Bas et en Allemagne, au christianisme social protestant.
Les partis d'inspiration chrétienne bénéficièrent du vivier des associations, organisations, œuvres, issues du christianisme social, particulièrement après l'encyclique "Rerum novarum" du pape Léon XIII en 1891.

On comprend qu'au sein des partis d'inspiration chrétienne coexistent des courants différents, venus du catholicisme libéral, ainsi de Windhorst, ou d'un catholicisme intransigeant, marqué d'idées traditionalistes, ainsi des premiers chrétiens sociaux autrichiens.
Une part des catholiques sociaux se tourna vers les idées démocratiques chrétiennes, s'opposant dans d'âpres conflits aux conservateurs.
D'autres conflits opposent les partisans de partis confessionnels à ceux qui sont favorables à l'interconfessionnalité, associant catholiques et protestants, ou à une formule a confessionnelle, avec référence aux valeurs chrétiennes.

Ni en Grande-Bretagne, ni aux Etats-Unis, les catholiques, pourtant minoritaires, n'ont ressenti la nécessité d'une organisation politique propre pour assurer leur défense et affirmer leurs idées, et ils se sont insérés dans le système bipartisan, votant pour l'un ou l'autre des deux grands partis.

Dans les années qui suivent la première guerre mondiale, les idées démocratiques d'inspiration chrétienne furent illustrées par le "popularisme" de don Sturzo fondateur en 1919 du Parti populaire italien, rendu possible par l'abandon par le Saint-Siège du "non expedit" qui interdisait aux catholiques italiens de prendre part aux élections politiques.
En France, le Parti démocrate populaire, né en 1924, s'inspire des idées de Sturzo.
Le fascisme et le nazisme mirent fin aux partis d'inspiration chrétienne.

Ceux-ci, forts de leur opposition au totalitarisme, connurent un grand essor au lendemain de la seconde guerre mondiale.
En Allemagne, la CDU/CSU, Union chrétienne démocrate, Union chrétienne sociale en Bavière, réalise l'union de catholiques et de protestants dans une formation interconfessionnelle.
En Italie, la Democrazia cristiana est la formation dominante pour de longues années.
En France, le M.R.P. Mouvement républicain populaire, rassemble, au lendemain de la Libération, les diverses composantes de la famille démocrate chrétienne et des mouvements d'Action catholique.
Il devient une formation de gouvernement. Sa rupture avec le gaullisme en 1947 et la remontée de la droite vont l'affaiblir avant qu'il ne disparaisse, pour céder la place à de petites formations centristes.
En Espagne, après la mort de Franco (1975) les tentatives de renaissance de la démocratie chrétienne avortent et le petit Parti démocrate populaire se fond dans une grande formation de centre droit, le Parti populaire, créé en 1989.
En revanche, le Parti Nationaliste Basque et l'Union Démocratique de Catalogne, traduisent le succès de formations démocrates chrétiennes régionales à composante nationaliste.

La démocratie chrétienne a connu un renouveau limité en Europe centre orientale, après la chute des régimes communistes en 1989, particulièrement en Lituanie, Hongrie, et Slovaquie.
En Roumanie, l'ancien Parti national paysan a ajouté à sa dénomination le terme démocrate chrétien, exemple de parti se réclamant du christianisme en terre orthodoxe.
Des formations d'inspiration démocrate chrétienne sont présentes dans le reste du monde.
En Amérique latine, les pays où la démocratie chrétienne a une implantation forte sont le Chili, où Eduardo Frei est élu président de la République en 1964, le Venezuela, où Rafael Caldera devient président en 1996, certains Etats de l'Amérique centrale.
En revanche, au Mexique, en Argentine, au Brésil, elle ne s'impose guère.
Depuis la fin des années 60 s'observe, particulièrement en Europe, une crise des partis d'inspiration chrétienne. Elle traduit le contrecoup de la sécularisation des sociétés et de la perte d'influence des Eglises, elle traduit aussi l'acceptation désormais par l'Eglise catholique du pluralisme des choix politiques des fidèles, et la prise de distance des Eglises vis à vis de la politique partisane.
Les partis politiques d'inspiration démocrate chrétienne ont souffert, ainsi en Allemagne et en Italie, de l'usure et des compromissions du pouvoir. Ils ne se distinguent guère de partis conservateurs modérés.
Dans les années 70, nombre de militants chrétiens contestent la "doctrine sociale" de l'Eglise, se tournent vers le socialisme démocratique, voire l'extrême gauche révolutionnaire, notamment en Amérique latine.
Dans les années 90, les partis démocrates chrétiens sont victimes, en Italie, en Autriche, en Belgique, aux Pays-Bas, de la montée des "populismes".

Cependant, l'émergence de problèmes nouveaux, qui touchent aux mœurs et à la bioéthique, suscite des engagements politiques qui se réclament des valeurs chrétiennes.
Dans les pays de tradition protestante de l'Europe du Nord on a pu observer depuis une dizaine d'années certains succès de formation d'inspiration chrétienne. Le pape Jean-Paul II par son insistance sur les droits de la personne et sur l'enseignement social chrétien ravive la volonté d'incarnation des valeurs chrétiennes dans le monde politique. Aussi serait-il imprudent d'estimer inéluctable la disparition des partis chrétiens.


Jean-Marie Mayeur

Professeur à l'université de Paris XII



Bibliographie sommaire :

Tom Buchanan et Martin Conway (ed) : Political Catholicism in Europe (118-1965), Oxford 1996
Jean-Dominique Durand : l'Europe de la Démocratie chrétienne, Bruxelles, 1995 (ed.Complexe)
Emiel Lamberts (ed) : Christian Democracy in the European Union (1945-1995), Leuven, 1997
Kari-Egon Lonne : Politischer Katholizismus im 19 und 20 Jahrhundert, Francfort, 1986
Pierre Letamendia : La démocratie chrétienne, Paris, 1993 (2ème édition) PUF (" Que sais-je ? ")
Jean-Marie Mayeur : Des partis catholiques à la démocratie chrétienne, Paris, 1980 (Armand Colin - Collection U)