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L'oeuvre du MRP pour la
L'oeuvre du MRP pour la
construction de l'Europe
construction de l'Europe


par Jacques MALLET



  
Nous sommes le parti de l'Europe

"Nous sommes le parti de l'Europe" déclarait Etienne Borne - le "philosophe" du MRP - à son congrès de Lille en 1954, au plus fort de la bataille sur le projet de Communauté Européenne de Défense (CED).

L'affirmation n'est pas inexacte même si d'autres hommes politiques français ont mené le même combat, socialistes, libéraux, indépendants, comme Guy Mollet, Maurice Faure, René Mayer, René Pleven, Antoine Pinay - pour ne point parler de l'influence très importante de Jean Monnet. Le MRP a joué un rôle moteur dans la construction de l'Europe à une époque où la France exerçait un véritable leadership en Europe.

Les initiatives politiques majeures ont été prises au début des années 50 par des leaders du MRP qui ont exercé, à tour de rôle, pendant près de dix ans - de juin 1944 à juin 1954 - les fonctions de ministre des Affaires étrangères : Georges Bidault et Robert Schuman.

Il ne faut pas oublier également qu'en 1950, dans les six pays constituant la première communauté européenne, cinq des premiers ministres et des ministres des Affaires étrangères appartenaient à la même famille d'esprit, la démocratie chrétienne. Il n'y avait pas d'"internationale noire" ou "blanche" ni d'"Europe vaticane". Les socialistes constituaient eux aussi une grande force européenne, et sous la quatrième République, les progrès de la construction européenne doivent beaucoup à la volonté commune du MRP et de la SFIO. Mais les fondations de l'Europe n'auraient pu se bâtir sans ces trois "hommes de la frontière", ces trois hommes d'Etat qu'étaient en Allemagne Konrad Adenauer, en Italie Alcide de Gasperi et en France Robert Schuman. Ils partageaient les mêmes convictions, ils avaient la même volonté de réconciliation et de paix. Ils étaient porteurs de la même espérance : une Europe unie et démocratique, fondée sur des valeurs morales et spirituelles d'inspiration chrétienne."

Le MRP n'a pas été le seul parti à s'engager dans le combat pour l'Europe unie, mais dans ce combat il a toujours été à l'avant-garde, le plus uni et le plus résolu. L'Europe a été, avec une grande continuité, au centre de son action et de l'engagement de ses militants, devenant en 1951, avec Robert Schuman, un élément majeur de son identité, d'autant plus essentiel qu'au fil du temps l'évolution du rapport des forces au sein de la IVème République réduisait sa capacité à mettre en oeuvre ses conceptions sociales.



Les origines

Cet engagement européen remonte loin : à Lammenais, à Marc Sangnier, organisateur pendant l'entredeux guerres des grandes rencontres de Bierville et de l'Internationale Démocratique pour soutenir les initiatives européennes d'Aristide Briand, et au Parti Démocrate Populaire (PDP) avec lequel Don Sturzo - le fondateur du Parti Populaire italien et l'inspirateur de la doctrine de la démocratie chrétienne - avait créé en 1925 à Paris un "Secrétariat International des Partis Démocratiques d'Inspiration Chrétienne" (SIPDIC), première ébauche de ce qui devait être l'Union Européenne des Démocrates Chrétiens (UEDC). Dans l'Aube, créée en 1932 par Francisque Gay , les éditoriaux de Georges Bidault soutenaient eux aussi la politique européenne de Briand avant de condamner plus tard les accords de Munich.

Au sein de la Résistance Gilbert Dru, l'un des fondateurs du MRP - fusillé à Lyon par la Gestapo - avait, dès 1943, parlé de "fédérer l'Europe" en dépassant les absolus de la souveraineté nationale. Dans le journal clandestin du Réseau Combat Pierre-Henri Teitgen préconisait lui aussi pour l'après-guerre "l'abandon par toutes les nations européennes au profit de la Fédération Européenne d'une part de leur souveraineté nationale". Ce serait, pensait-il, le meilleur moyen de "contrôler l'Allemagne".



Les premiers pas

Issu de la Résistance, le MRP était, au moment de sa création les 25 et 26 novembre 1944, très proche des conceptions du général de Gaulle, hostile à la reconstitution d'un gouvernement central allemand. De Gaulle s'est volontairement retiré du pouvoir en 1946.

Les premières actions internationales importantes de Georges Bidault et de Robert Schuman, qui lui succèdera au ministère des Affaires étrangères en juillet 1948, ont été de jeter les bases d'une Europe organisée. A cette fin Georges Bidault avait rencontré secrètement Konrad Adenauer à Genève dès 1948 et Robert Schuman le rencontrera à Bonn en août 1949 et en deviendra bientôt l'ami.

Il fallait en même temps organiser la défense de l'Europe face à la menace soviétique. Georges Bidault avait signé le 17 mars 1948 le traité de Bruxelles entre la France, le Royaume-Uni, les Pays Bas, la Belgique et le Luxembourg. Ce pacte militaire comportait une clause d'assistance automatique en cas d'agression. Plus atlantiste, disait-on, qu'européen, Georges Bidault avait le 4 mars 1948 adressé un pressant appel au général Marshall, secrétaire d'Etat américain, pour que les Etats-Unis "apportent aux pays européens réunis dans le pacte de Bruxelles ce qui leur manque de force". Il mènera rondement les négociations pour la création du pacte Atlantique, qui sera signé par Robert Schuman le 4 avril 1949.

Quant à l'Europe elle en était encore à ses tout premiers pas. Le discours de Winston Churchill a Zurich en 1946, appelant à la réconciliation franco-allemande et à la création d'Etats-Unis d'Europe, puis le congrès de La Haye, du 7 au 10 mai 1948, créant le Mouvement Européen, avaient suscité de grands espoirs. Ces espoirs furent bientôt déçus à cause de l'attitude minimaliste des britanniques dans les négociations commencées par Georges Bidault, achevées par Robert Schuman, qui ont institué le 5 mai 1949 le Conseil de l'Europe, en le réduisant à une assemblée consultative sans pouvoir réel. Il convient toutefois de souligner la volonté des européens, alors aux prises avec les immenses problèmes d'un continent ruiné par la guerre, d'affirmer en tout premier lieu leurs valeurs communes. Cette volonté a permis l'adoption, quelques années plus tard, de la Convention Européenne des Droits de l'Homme - Pierre-Henri Teitgen en a été le rapporteur principal - donnant d'importants pouvoirs de décision juridiques à une Cour Européenne des Droits de l'Homme, dont il sera, après le président Cassin, le juge français.

Le Conseil de l'Europe, qui réunit aujourd'hui l'ensemble des Etats démocratiques européens, a donc eu son utilité mais, pour construire véritablement l'Europe, il fallait, comme l'a dit le ministre belge Paul-Henri Spaak en 1950, que quelques pays se détachent pour "aller plus vite et plus loin" et se donnent les moyens d'agir ensemble.



Le tournant décisif du 9 mai 1950  

Pour construire l'Europe, il fallait durablement régler le problème allemand et, pour ce faire, réconcilier la France et l'Allemagne.

L'expérience du traité de Versailles avait montré qu'en imposant au vaincu des contraintes rigoureuses et humiliantes on nourrissait chez lui l'esprit de revanche et on réveillait le nationalisme, source de nouveaux conflits. Il fallait faire le choix d'une autre approche et d'une autre méthode, avec un nouvel état d'esprit.

Il y avait urgence. La montée des menaces staliniennes conduisait nos alliés à demander une participation active de l'Allemagne à l'effort commun. A la conférence de Londres, en juillet 1948, ils avaient recommandé la création d'un Etat ouest-allemand et la fin des contrôles et des limitations de production imposés par l'Autorité Internationale de la Ruhr. La bataille en retraite conduite par Georges Bidault était vouée à l'échec. Il fallait créer au lieu de subir.

Les relations franco-allemandes se détérioraient rapidement, à cause en particulier de notre politique de rattachement de la Sarre à la France. La République Fédérale d'Allemagne, qui venait de se constituer à l'automne 1949, s'était donnée pour chancelier un démocrate chrétien anti nazi, Konrad Adenauer. Celui-ci attendait de la France une autre attitude, une autre politique.

A ce tournant de l'histoire Robert Schuman a apporté, avec Jean Monnet, la réponse nécessaire en prenant une initiative audacieuse que Konrad Adenauer a qualifiée "d'éblouissante et téméraire" : substituer aux contrôles et aux contraintes imposées à l'Allemagne des règles et des institutions communes.

Dans sa déclaration historique du 9 mai 1950, le gouvernement français a proposé "de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe. La mise en commun des productions de charbon et d'acier assurera l'établissement de bases communes de développement économique, première étape de la Fédération Européenne".

Le "plan Schuman" avait été préparé par Jean Monnet, mais c'est Robert Schuman qui en a assumé, avec courage, la responsabilité politique, l'a fait approuver par le gouvernement, par le parlement, et par l'opinion publique, ce qui n'allait pas de soi cinq ans après la capitulation du IIIème Reich. Ce plan avait une haute valeur symbolique car le charbon et l'acier étaient à l'époque la base de la puissance militaire. Leur mise en commun rendrait la guerre impossible. Ce n'était pas seulement une liquidation de la guerre, c'était la construction de l'avenir. Ses aspects économiques n'étaient pas les plus importants. Sa portée était surtout politique : plus jamais la guerre entre nous !



La réconciliation franco-allemande, fondement de l'Union Européenne  

C'est une transformation radicale des rapports franco-allemands qui a permis la construction de l'Europe. Les Français ont bien compris que la réconciliation et l'entente franco-allemande étaient le fondement de l'Union européenne. Beaucoup d'entre eux croient que cette réconciliation a été faite le 22 janvier 1963 par le Traité de l'Elysée entre le général de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer. Ce traité de coopération parachève la réconciliation mais celle-ci a été réalisée, pour l'essentiel, treize ans plus tôt entre Robert Schuman et Konrad Adenauer.

C'est ce que ce dernier a écrit dans une lettre manuscrite à son ami Robert Schuman au lendemain de la tournée triomphale en Allemagne du général de Gaulle de septembre 1962 : "Pendant la visite du général de Gaulle, la semaine dernière, j'ai souvent pensé à vous comme à l'homme qui, par son initiative du pool charbon acier, a posé la pierre angulaire de l'amitié qui à présent unit nos deux pays. C'est avec reconnaissance que je pense toujours à notre travail en commun. Il me tient à coeur, précisément dans les circonstances présentes, de vous exprimer ma gratitude".



Un accident de parcours : l'échec de la Communauté Européenne de Défense (CED)  
  
Cinq pays européens avaient répondu favorablement à la proposition française : la République fédérale d'Allemagne, l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg. L'Angleterre l'a rejetée. A l'issue des négociations, conduites par Jean Monnet, le Traité de Paris instituant une Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) a été signé le 18 avril 1951. Il entrera en vigueur le 23 juillet 1952. L'Europe des six, qu'on appelle aujourd'hui "l'Europe des fondateurs", est entrée dans l'histoire.

La méthode de la CECA allait faire école :"l'Europe ne se fera pas d'un coup ni dans une construction d'ensemble. Elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait" disait la déclaration du 9 mai.

Sur ce modèle d'intégration sectorielle plusieurs projets ont été avancés, notamment un "Pool vert" à l'initiative de Pierre Pflimlin, ministre de l'agriculture - préparé avec le concours de René Charpentier, député MRP de la Marne - qui proposait une organisation européenne de certains marchés agricoles.

Mais le processus de construction de l'Europe n'est pas un long fleuve tranquille. Un événement imprévu en a perturbé le cours : le déclenchement en juin 1950 de la guerre de Corée a posé brutalement le problème du réarmement de l'Allemagne, nécessaire à la défense de l'Europe.

Le gouvernement français, Robert Schuman et Konrad Adenauer lui-même, redoutaient que la reconstitution d'une armée nationale allemande et d'un grand Etat-major allemand ne fasse renaître le militarisme outre Rhin. Il fallait donner à ce problème une solution européenne. Ce fut le "Plan Pleven "d'armée européenne du 24 octobre 1950. Robert Schuman entama des négociations difficiles pour la création d'une Communauté Européenne de Défense (CED), organisant une "intégration" des forces au niveau le plus bas possible, un état-major européen et un budget commun de défense sous l'autorité d'un Commissariat Européen à la défense et d'un Conseil européen des ministres.

Signé le 27 mai 1952 le traité ne sera jamais ratifié. Il entraînera dans sa chute l'échec d'un projet de "Communauté Politique", prévu par l'article 38 du traité de CED et élaboré par la commission, constitutionnelle d'une "assemblée ad hoc" issue de l'assemblée de la CECA dont Pierre-Henri Teitgen était l'un des principaux rédacteurs. Accueilli avec réserve par Georges Bidault, ce projet visait à coordonner, et démocratiser l'ensemble de la politique européenne. Il prévoyait un parlement composé de deux chambres - une chambre des peuples élue au suffrage universel, un Sénat désigné par les parlements nationaux -, un Conseil Exécutif européen, dont le président serait élu par le Sénat européen et choisirait lui-même les membres du Conseil, un Conseil des ministres nationaux, une Cour de justice et un Conseil économique et social consultatif. L'échec de la CED a également entraîné celui du projet de statut européen de la Sarre, sur lequel Pierre-Henri Teitgen avait obtenu l'accord de Konrad Adenauer. Celle-ci sera rattachée à la République Fédérale.

La CED, que Robert Schuman avait eu du mal à faire accepter par les Etats-Unis, a été victime de la crise des institutions de la IVème République, des divisions du Parlement et de l'opinion publique, et surtout de l'opposition conjuguée des gaullistes et des communistes.

Le gouvernement Pinay ayant été renversé c'est le radical René Mayer qui constitua le gouvernement. Les gaullistes y firent leur entrée, résolus à mettre au placard la CED. Ils obtinrent le départ de Robert Schuman que remplace Georges Bidault au ministère des Affaires étrangères. Celui-ci essaiera de faire approuver le Traité en négociant des protocoles permettant en particulier à la France de disposer des forces nécessaires à ses responsabilités outre-mer - elle était enlisée dans la guerre d'Indochine - et en demandant, sans succès, un engagement clair des britanniques.

Après la chute de Dien Bien Phu Pierre Mendès-France devient président du Conseil. Hostile ou sceptique à l'égard de la CED, il se trouve dans une situation politique caractérisée par une forte opposition, souvent passionnée, au projet dans une grande partie de l'opinion publique. Les gaullistes sont dans la majorité, le MRP est dans l'opposition. Les socialistes, les radicaux et les indépendants sont divisés en deux. La division du groupe socialiste sera la cause directe du rejet de la CED car le comité directeur du parti avait pris position en faveur du traité. Après avoir tenté de le renégocier Pierre Mendès-France a ouvert le débat de ratification sans prendre position pour le traité. Une motion préalable a été votée le 30 août 1954 par 319 voix contre 264 avec douze abstentions. Trente et un députés n'avaient pas pris part au vote, parmi lesquels se trouvaient les vingt trois membres du gouvernement. Ce vote a entraîné l'enterrement du traité.

En rejetant un projet français, soutenu à notre demande par les Etats-Unis et déjà ratifié par presque tous nos partenaires, on a porté un coup sévère à l'autorité internationale de notre pays.

Avec le recul du temps il apparaît qu'une grande occasion a été manquée le 30 août 1954. La défense européenne sera pendant quarante ans un sujet tabou et il faudra attendre le projet de Constitution européenne, élaboré par une convention sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, pour retrouver un projet de Communauté politique, dont le sort demeure aujourd'hui incertain.



Le soutien du MRP au traité de Rome  

Au lendemain du 30 août 1954, Raymond Aron écrivait : "L'échec de la CED est la défaite du parti européen. Il ne s'en relèvera pas". Il pensait surtout, probablement, au projet d'une Europe politique fédérale. Une solution de remplacement fut rapidement négociée avec les Britanniques. Le MRP laissa passer les accords de Paris et l'Union de l'Europe occidentale (UEO), "ersatz" de la CED, pour éviter une autre crise européenne.

L'intégration européenne a rapidement redémarré, après la conférence de Messine des 1er et 2 juin 1955, sous l'impulsion de Paul-Henri Spaak, mais par la voie de l'économie. Ce fut le Traité de Rome, créant la Communauté Economique Européenne (le Marché Commun) et l'Euratom pour l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Les négociations avaient été conduites par un gouvernement Guy Mollet, où un socialiste était ministre des Affaires étrangères et un Radical (Maurice Faure) en charge de la négociation. Le MRP n'y participait pas, mais avait soutenu le projet avec détermination.

Dans le gouvernement Edgar Faure, qui lui succède, Robert Schuman, sans retrouver le Quai d'Orsay, est Garde des Sceaux et suit de près les affaires européennes. Il devient président du Mouvement Européen puis de l'Assemblée Commune de l'Europe des Six.



Après 1958 les rapports difficiles entre le MRP et le général de Gaulle  

Pierre Pflimlin, dernier président du Conseil de la IVème République, et alors président du MRP, avait, dans ses entretiens avec le général de Gaulle, obtenu l'assurance que celui-ci ne remettrait pas en cause le Traité de Rome.

Le MRP était inquiet car sa conception de l'Europe communautaire à finalité fédérale était très différente de l'Europe des Etats, limitée à une coopération intergouvernementale, qui était celle du général de Gaulle. Toutefois les différences n'apparaissaient pas insurmontables. Dans le Traité de Rome, moins supra-national que la CECA, l'organe indépendant des gouvernements, la Commission Européenne, propose et exécute. C'est le Conseil qui décide - de plus en plus, il est vrai, à la majorité qualifiée. Robert Schuman, patriote lorrain, l'avait dit et répété : "nous ne sommes pas, nous ne serons jamais des négateurs de la patrie, oublieux des devoirs que nous avons envers elle". Il disait aussi : "le supra-national reposera sur des assises nationales".

Les débuts de la Vème République ont été prometteurs. Le MRP participe au gouvernement du général de Gaulle qui redresse la situation économique et financière et applique le Traité de Rome, qu'il n'aurait sans doute pas signé.

La rupture du MRP avec le général de Gaulle a lieu après sa conférence de presse du 15 mai 1962, ridiculisant, sous le nom de "volapuk intégré", l'Europe communautaire, chère au Mouvement. L'expression visait sans doute certains partenaires de la France, responsables de l'échec du plan Fouchet, c'est-à-dire du projet d'union politique confédérale qui tenait à coeur au général de Gaulle. Ulcéré, et ne croyant plus à sa capacité d'infléchir la politique européenne de ce dernier, Pierre Pflimlin entraîne dans sa démission tous les ministres du MRP, malgré un appel nocturne du général pour l'amener à revenir sur sa décision.

Cette rupture n'empêchera pas Pierre Pflimlin de saluer le Traité de l'Elysée de 1963, organisant la coopération franco-allemande selon les principes du plan Fouchet.

En 1965, Jean Lecanuet - dernier président du MRP - se présente aux élections présidentielles contre le général de Gaulle qu'il met en ballottage, après une brillante campagne qui lui vaut 15.8% des voix. Cette campagne avait une forte coloration européenne. Le général avait alors déclenché une grave crise avec nos partenaires en s'opposant à des propositions de la Commission européenne qu'il jugeait inacceptables. Il pratiquait la politique de la chaise vide à Bruxelles. On pouvait craindre qu'il ne "casse" la Communauté Européenne, en tout cas, qu'il ne veuille empêcher le passage au vote à la majorité qualifiée prévu par le Traité de Rome à partir du 1er janvier 1966. Entre le général de Gaulle et ses partenaires européens l'affaire se terminera par un faux compromis sans vainqueur ni vaincu.

Si les intentions prêtées au général étaient aussi destructrices qu'on l'a dit, la campagne de Jean Lecanuet a peut-être sauvé l'Europe.

Les héritiers du MRP, après sa mise en sommeil en 1967, continueront le combat qui a toujours été le sien pour la construction d'une Europe unie et solidaire, solidement structurée, et d'une Europe politique à finalité fédérale. Ce fut le combat conduit par Alain Poher dans la campagne présidentielle de 1969, ensuite par Jean Lecanuet avec Valéry Giscard d'Estaing. C'est aujourd'hui le combat de l'UDF de François Bayrou et de ses amis européens.



L'avenir de l'Europe : un projet de civilisation  

Le MRP peut être fier de l'oeuvre accomplie qui est considérable. La réconciliation franco allemande est chose faite. Nul n'eut osé imaginer en 1950 qu'il y aurait, avant la fin du siècle, un marché unique et une monnaie commune en Europe, ni l'élargissement de cette Europe aux pays européens libérés du communisme. Les hommes du MRP ont bien servi la cause de l'Europe et par-là servi l'intérêt bien compris de la France. Ils lui ont aussi payé un lourd tribut car l'Europe a toujours été une tâche difficile où l'on prend des risques politiques et reçoit des coups.

Avec le recul des années on mesure mieux la portée de l'acte fondateur. du 9 mai 1950. La réconciliation franco-allemande au sein d'une Communauté européenne, fondée sur le dépassement des égoïsmes nationaux et sur le partage de la souveraineté, c'est la principale innovation politique inventée par la France depuis la deuxième guerre mondiale. Sa remise en cause constituerait une régression de l'histoire.

Aujourd'hui ces principes doivent s'appliquer à une Europe de vingt cinq membres ou davantage, dans un monde globalisé qui a beaucoup changé. Cela exige d'importantes réformes grâce à l'adoption d'une Constitution renforçant et démocratisant les institutions européennes, ouvrant à l'Europe de nouvelles perspectives de développement et de progrès et une plus grande capacité d'influence dans le monde.

Le problème qui se pose aujourd'hui aux héritiers du MRP est de choisir la stratégie la plus appropriée pour assurer l'avenir de la construction européenne à laquelle il a si ardemment travaillé et qui est son principal héritage.

Robert Schuman, qui avait anticipé et souhaité la "réunification de l'Europe", savait aussi que son intégration est "une oeuvre immense et ardue et que jamais encore on a tentée". Ce visionnaire réaliste l'a qualifiée même de "révolutionnaire". Dans son livre, Pour  l'Europe, qui est son ultime message, il ajoutait : "la communauté européenne ne pourra et ne devra pas rester une entreprise économique et technique. Il lui faut une âme, la conscience de ses affinités présentes et futures, une volonté politique au service d'un même idéal humain".

En un mot, l'Europe doit se concevoir comme un projet de civilisation.





Jacques MALLET




On trouvera d'autres informations et commentaires dans le Numéro spécial de la revue France Forum (2ème trimestre 1997) rendant compte du colloque Regards sur le MRP organisé à l'initiative de l'Amicale du MRP le 10 décembre 1996.
La politique européenne et internationale du MRP y a fait l'objet d'un rapport suivi d'un débat, auquel a participé notamment Pierre Pflimlin.
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