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Pierre PFLIMLIN
Pierre PFLIMLIN
1907 - 2000
1907 - 2000




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BIOGRAPHIE
"La politique n'est pas une science exacte" m'avait dit un jour Pierre Pflimlin et, au cours de nos dernières conversations à Strasbourg, au printemps 2000, nous avons pu vérifier l'exactitude de ce propos, au passage d'un siècle à l'autre, à la lumière des plus récents événements, dans leur dimension régionale, nationale, européenne et mondiale. Que de souvenirs sur un parcours politique de 50 ans, souvent avec les plus hautes responsabilités et, parfois, tout simplement avec les convictions du "militant" (Discours à Bordeaux du 7 février 1999).

Membre de nombreux gouvernements, Pierre Pflimlin commença sa carrière ministérielle en 1946 comme sous-secrétaire d'Etat à la Population. Ministre de l'Agriculture (1947-49 ; 1950-51), Ministre du Commerce (1951-52), Ministre de la France d'Outre-Mer(1952-53), il fut également Ministre des Finances et des Affaires économiques (1955-56 ; 1957-58) avant de devenir Président du Conseil en mai 1958 dans des conditions particulièrement dramatiques.
C'est lui qui passa le relais au dernier chef de gouvernement de la IVème République, le Général de Gaulle. Sur ce point, et notamment sur l'entretien nocturne et décisif avec le Général, à Saint-Cloud, le 27 mai, Pierre Pflimlin avait gardé longtemps la plus grande discrétion ; ses "Mémoires" (Ed. Fayard) nous révèlent quelle fut la qualité humaine et politique de ce pathétique dialogue.

Quant à l'Europe et à la réconciliation franco-allemande, Pierre Pflimlin en fut un promoteur infatigable aux côtés de Robert Schuman; l'un et l'autre avaient de fortes convictions, ce qui ne les empêchait pas de déployer imagination et persévérance pour trouver des compromis.
Des compromis, Pierre Pflimlin en imagina des dizaines, et il devait en concrétiser souvent, mais, à ses yeux, compromis n'était pas compromission. Ce qui le conduisit d'ailleurs à deux démissions, l'une comme Ministre de l'Agriculture (il avait pris un engagement avec les agriculteurs et entendait tenir parole), l'autre comme Ministre d'Etat du Général de Gaulle, dans le Gouvernement Pompidou. On se souvient de la célèbre conférence de presse, en mai 1962, durant laquelle fut brocardé le "volapük", mais les raisons du départ de Pierre Pflimlin étaient plus profondes, car liées à son intime conviction qu'il ne pourrait pas infléchir les positions fondamentales du Général en matière européenne.

Dans ses fonctions européennes, à l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe, qu'il présida de 1963 à 1966, ainsi qu'au Parlement européen, qu'il présida de 1984 à 1987, Pierre Pflimlin devait se montrer à la fois homme de vision et de caractère. Ainsi, en décembre 1985, il "refusa" le budget communautaire parce qu'il ne correspondait pas aux besoins, pourtant dûment identifiés au niveau politique par le Conseil européen, reposant de surcroît sur des propositions très précises de la Commission européenne présidée par Jacques Delors. La Cour de Justice, appelée à trancher, donna tort au Parlement : c'était l'aspect formel et juridique, mais, quant au fond, le Parlement européen avait raison, puisque la procédure budgétaire ayant été reprise, les crédits adoptés le furent finalement à la hauteur des chiffres qu'avait défendus le Parlement. Pierre Pflimlin avait donc bien fait de "résister", démontrant par la même occasion que la Communauté européenne ne pouvait pas avoir de budget, sans la signature du Président du Parlement européen.

Homme de caractère, Pierre Pflimlin fut aussi un homme de vision, ce qu'il devait encore illustrer de façon particulièrement brillante le jour de son anniversaire, le 5 février 1997. Pierre Pflimlin avait été maire de Strasbourg pendant un quart de siècle, mais aussi Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ainsi que Président du Parlement européen. On imagine le foisonnement d'initiatives, au sein de ces institutions à Strasbourg, pour célébrer dignement les 90 ans de l'ancien Président. A tous les projets de cérémonies, Pierre Pflimlin opposa son "veto", invoquant le caractère privé de cet anniversaire. En définitive, son ami Louis Jung, ancien Président de l'Assemblée du Conseil de l'Europe, réussit à le convaincre de donner une conférence au Palais de l'Europe sur le thème : "L'Europe en devenir".
C'est ainsi que.dans l'hémicycle de Strasbourg, un millier d'invités se sont levés pour ovationner le jubilaire, dont Madame Leni Fischer, Présidente de l'Assemblée du Conseil de l'Europe, avait rappelé la longue et belle trajectoire durant ce siècle, si riche en événements.
Les applaudissements avaient jailli, chaleureusement, spontanément, car pendant 50 minutes, debout, sans notes, ce grand témoin et acteur de la construction européenne leur avait parlé de son expérience, avec ses raisons et son coeur, avec son éloquence toujours intacte.

Qu'il s'agisse de diverses étapes de la marche vers une Europe unie, des enjeux de l'heure présente ou des perspectives d'avenir, le texte de Pierre Pflimlin intéressera certainement un public averti, tout comme l'honnête homme à la recherche de repères politiques et éthiques.

Je voudrais en retenir deux aspects que l'actualité communautaire nous impose : l'élargissement et la Convention sur l'avenir de l'Europe, problèmes d'ailleurs liés, avec des risques de contradiction. En effet, on est frappé par la conclusion de Pierre Pflimlin qui est un appel à la grande Europe et à la primauté des valeurs de l'esprit. Ce sera difficile admet Pierre Pflimlin, en constatant que "les eurosceptiques et les europessimistes nous assourdissent de leurs clameurs". Il convient donc de tenir les deux bouts de la chaîne : d'une part, mettre l'accent sur l'approche politique et ne pas décevoir les Européens de l'Europe centrale et orientale ; d'autre part, rendre l'élargissement compatible avec les convictions fédéralistes et avec le concept d' "avant-garde", au coeur des débats sur le "noyau solide" et la "coopération renforcée" s'inscrivant dans un système différencié (voir la citation du 24/09/62).

Pour ma part, je n'ai pas oublié la dernière phrase de ce discours de février 1997 : "Le temps approche où il me faudra passer à d'autres le flambeau de la foi et de l'espérance que j'ai essayé de porter. Je souhaite que ce flambeau éclaire la route de ceux qui sont appelés à construire l'Europe du siècle prochain, une Europe de la prospérité, une Europe de la puissance, mais surtout une Europe qui soit capable de faire prévaloir, face au monde, la primauté des valeurs de l'esprit".

C'était bien une sorte de testament.

Paul Collowald



Courte bibliographie
Pierre Pflimlin a publié plusieurs ouvrages, notamment :

Pierre PFLIMLIN en collaboration avec le Professeur Henri LAUFENBURGER
L'industrie de Mulhouse 1932

Pierre PFLIMLIN en collaboration avec le Professeur Henri LAUFENBURGER
La structure économique du IIIème Reich 1938

Pierre PFLIMLIN en collaboration avec René UHRICH
L'Alsace - Destin et volonté 1963

Pierre PFLIMLIN en collaboration avec Raymond LEGRAND-LANE
L'Europe Communautaire 1966

Jean-Louis ENGLISH Daniel RIOT
Entretiens avec Pierre PFLIMLiN 1989

Pierre PFLIMLIN
Mémoires d'un Européen, de la IVème à la Vème République 1991

Pierre PFLIMLIN
L'Europe en devenir
discours prononcé, en février 1997, à l'occasion de ses 90 ans (texte disponible à la Fondation R. Schuman, Paris, et à l'Université Catholique de Louvain, Doc. N° 4 de l'Institut d'Etudes européennes) 1997

Edouard Pflimlin Carole Monmarche
Pierre Pflimlin : les choix d'une vie Editions du Signe 2001