Discours de Pierre Pflimilin à l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe, le 24 septembre 1962 à Strasbourg.
"... Je pense, déclarait Pierre Pflimlin, que nous devons chercher quelque manière de concilier la nécessité de l'élargissement de la Communauté - nul d'entre nous n'a le droit de tenir à l'écart du processus d'unification quelque pays de l'Europe libre que ce soit- et la nécessité non moins impérieuse de donner à la Communauté la cohésion, le dynamisme et, partant l'efficacité dont elle a besoin".
Et Pierre Pflimlin de poursuivre :
"Je crois que nous devons regarder ce problème en face, et qu'on devrait étudier ce que j'appelle un système différencié; Il comprendrait, en premier lieu, un noyau solide de pays qui, progressivement, constitueraient une véritable Communauté, fortemement structurée, dotée d'organismes capables de prendre et de mettre en oeuvre les plus hautes et peut-être les plus dangereuses responsabilités. D'autre part, autour de ce noyau, on pourrait imaginer que s'articule, selon des modalités qui resteraient à définir, un ensemble de pays qui coopéreraient avec le groupe central dans la mesure où leur situation politique et économique le leur permettrait".
Comme cela sonne encore juste, aujourd'hui, surtout que Pierre Pflimlin souligne avec conviction :
"Je croîs à la nécessité de ne rien faire perdre à la Communauté en ce qui concerne la cohérence, la vigueur et la possibilité d'aller de l'avant. Je le crois, parce que les problèmes qui d'ores et déjà se posent au sein de la Communauté, exigent la possibilité d'agir avec résolution et avec énergie Je le croîs aussi parce que les responsabilités de la Communauté vont s'étendre au cours des années à venir".
Discours de Pierre Pflimlin, à Bordeaux, le 7 février 1999 devant l'UDF
LES TROIS MIRACLES DE L'EUROPE
J'ai, personnellement, tendance à croire aux miracles. J'en ai vécu dans ma carrière. Je me rappelle les années de l'immédiat après guerre où nous étions tous sous l'impression de la tragédie que nous venions de vivre, et j'avoue que j'étais, en ce qui me concerne, pessimiste. Je me disais : "tant de choses horribles se sont passées, qu'il faudra laisser passer des années, peut-être des générations, avant que l'on puisse parler de réconciliation, voire même d'amitié". Et voilà qu'un miracle s'est produit. Souvenez-vous : trois ans seulement après la fin de la guerre, en 1948, le congrès de La Haye: présidé par qui ? Par le grand chef de guerre qu'avait été Winston Churchill. Les hommes et les femmes qui étaient réunis là ont invité les gouvernements à créer une assemblée européenne. Très franchement, je me disais à ce moment-là "ils vont fort" ! Comment pourra-t-on obtenir, trois ans après la fin de la guerre, que les gouvernements entreprennent une construction européenne ? Or cela s'est produit : 1948 congrès de La Haye, 1949 à Londres signature du traité créant le Conseil de l'Europe avec en ce qui concerne le siège, une décision excellente : le choix de Strasbourg...
Dans ce Conseil de l'Europe apparurent très vite des débats entre ceux qui étaient partisans d'une fédération - c'était essentiellement à l'époque les Français, les Italiens, les Belges - et ceux qui voulaient seulement une coopération entre les gouvernements gardant l'intégralité de leurs pouvoirs. C'était en 1949.
Et en 1950, que se passe-t-il ? En 1950 Robert Schuman, le Lorrain Robert Schuman, Ministre des Affaires Etrangères de France, propose la création d'une première Communauté, celle du charbon et de l'acier. Cette notion de communauté était entièrement nouvelle. A travers les siècles, quand une guerre était terminée, on signait des traités que l'on appelait des "traités de paix", mais qui n'ont jamais mérité ce nom, car ces traités imposaient aux vaincus des cessions territoriales, des indemnités, des humiliations, et de ces humiliations naissait une volonté de revanche. En 1950, l'idée de Robert Schuman est radicalement différente : il tend la main aux ennemis de la veille, il leur propose d'entrer comme partenaire égal dans une Communauté où tous, ensemble, se dotent d'instances communes avec des pouvoirs de décision. Robert Schuman, que j'ai bien connu, n'avait pas l'habitude d'élever la voix. C'était un homme modeste. Or dans son livre "Pour l'Europe", publié après sa mort, il dit "L'idée européenne est une idée révolutionnaire". C'était en effet une idée révolutionnaire. Vous connaissez la suite.
Autre miracle : si au printemps de 1989 quelqu'un m'avait posé la question suivante : "Combien de temps verrons-nous encore une grande partie de l'Europe sous la domination soviétique ?", j'aurais répondu, en ce printemps 1989 : "Moi, vu mon âge, je n'en verrai pas la fin". C'eut été une erreur, puisque quelques mois après, à l'automne de 1989, l'empire soviétique a commencé à se disloquer ; il y a eu ce phénomène extraordinaire : des peuples sont descendus dans la rue, les Polonais, les Tchèques, les Allemands de l'Est, et ont conquis à l'arraché la démocratie.. Et qu'on ne me dise pas : "ces gens-là qui vivaient mal voulaient surtout une augmentation de leur niveau de vie". Non, je crois que ce qu'ils voulaient, c'était la liberté, c'était la démocratie.
Je serais porté à dire que j'ai vécu aujourd'hui un troisième miracle. Grâce à François Bayrou, la décision a été prise de présenter une liste UDF aux élections européennes. Ce qui me paraît fondamental, c'est que nous allons entrer dans la bataille des Européennes en nous battant pour notre conception de l'Europe. Il existe différentes façons de concevoir l'Europe. Je ne crois pas me tromper en disant que nous, nous restons fidèles à la conception de Robert Schuman, qu'il partageait avec le chancelier Adenauer et à cette conception de l'Europe communautaire - on peut dire fédéraliste si l'on veut. Moi je préfère le mot communautaire. Pourquoi ? Parce que le mot communautaire a une signification éthique, il signifie que des peuples différents qui s'étaient combattus la veille veulent ensemble construire une communauté de valeurs et une communauté d'institutions. C'est merveilleux. Et nous sommes restés fidèles à cette conception.
Je me réjouis de vivre avec vous aujourd'hui le troisième miracle pour l'Europe.