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Georges BIDAULT
Georges BIDAULT
1899 - 1983
1899 - 1983




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BIOGRAPHIE : L'homme et son action
Georges Bidault est né à Moulins dans l'Allier le 5 octobre 1899.

Son père était agent d'assurance. Il perdit sa mère en 1901 alors qu'il n'avait pas deux ans, peu après la naissance du cinquième enfant de la famille, sa soeur Marcelle (Agnès dans la Résistance).
Selon la tradition familiale sa mère avait fait promettre par son mari que leur dernier fils suivrait ses études secondaires dans le collège des Jésuites voisin de leur domicile.
Elle ne pouvait prévoir l'expulsion des congrégations. Il en résulta que Georges Bidault fut inscrit au collège Saint-Louis de Gonzague que les Jésuites avaient ouvert en 1907 à Ballengo, près d'Ivréa, en Italie du Nord. Il y resta de la 6ème (rentrée 1909) à la philosophie (1916).

Si ses succès scolaires furent éclatants, Georges Bidault fut durablement marqué par l'austérité d'un éloignement affectif qui ne l'empêcha pas de chérir ses maîtres. Après la guerre, alors qu'il était au gouvernement, il alla saluer à Rome l'un des anciens maîtres de Ballengo qui était hébergé à l'université pontificale grégorienne. Les jésuites qui y résidaient lui souhaitèrent la bienvenue dans leurs différentes langues, ce qui suscita la réplique suivante :
"mes pères, je ne sais ni l'allemand, ni le russe, ni le japonais, ni l'hindoustani, ni la plupart des langues que je viens d'entendre. Je n'ai ni vos vertus, ni vos mérites, ni votre science. Je ne sais qu'une chose : je me dois à la foi qui est la mienne. Je crois en l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique en laquelle je veux vivre et mourir" (témoignage de Charles Merveilleux du Vignaux, bulletin des amis de Georges Bidault n°2, octobre 1988).

PROFESSEUR D'HISTOIRE
Après le baccalauréat il s'inscrivit en Sorbonne (rentrée 1916-1917) pour y commencer des études d'histoire. Mobilisé avec les appelés de la classe 1919 pendant l'hiver 1917-1918, il était encore à l'instruction quand survint l'Armistice du 11 novembre 1918. Après quelques semaines d'occupation dans le Palatinat, il fut chargé d'enseigner l'histoire aux élèves officiers de l'école de Saint Maixent (1919-1921).
Démobilisé avec le grade de caporal, il fut rappelé peu après pour participer à l'occupation de la Ruhr décidée par le gouvernement afin de contraindre l'Allemagne à respecter les clauses financières du traité de Versailles.
Après avoir repris ses études supérieures en Sorbonne, il est reçu 1er à l'agrégation d'histoire (1925) devant Pierre Brossolette et Louis Joxe. Ce fut le début d'une carrière d'enseignant à Valenciennes (1925-1926), puis à Reims (1926-1931), enfin à Paris au Lycée Louis le Grand (1931-1940).
Deux de ses élèves témoignent :
"Il nous apprenait en réalité autre chose que de l'histoire. Ne se contentant pas de raconter les événements, mais les commentant, s'indignant, admirant, prenant parti en tout cas, il nous enseignait à nous former une opinion personnelle, à oser la défendre, à prendre position à notre tour..." (Roger Caillois, Circonstancielles, Gallimard, 1946).
"... il ne lisait pas son cours, ne s'embarrassait guère de papiers, dictait parfois, en les martelant, des formules brèves et explosives. Son originalité d'esprit éclatait à chaque mot. Déjà le vocabulaire fuyait toute banalité et des images audacieuses fusaient en feux d'artifice. S'il fallait résumer en un mot la nature de son enseignement je crois que je dirais : une rigueur non conformiste..." (Jean d'Ormesson, bulletin des amis de Georges Bidault n°4, 2001).

LE MILITANT CHRETIEN ET LE RESISTANT
Elu en 1924 vice-président de l'Association catholique de la jeunesse française (ACJF), alors présidée par Charles Flory, Georges Bidault ne tarda pas à devenir un des espoirs du parti démocrate populaire (PDP) dont il porta les valeurs aux élections législatives d'avril-mai 1936, sans parvenir à se faire élire à Domfront dans l'Orne.
Il s'imposa, après Gaston Tessier, comme l'éditorialiste de L'Aube, quotidien fondé en 1932 par Francisque Gay, donnant un éditorial quasi journaliser du vendredi 2 mars 1934 au jeudi 1er février 1940. Ses éditoriaux de politique étrangère notamment, rédigés d'une plume étincelante, manifestèrent une parfaite compréhension des ressorts du national socialisme dont il dénonça sans relâche les entreprises.
Volontaire pour rejoindre une unité combattante dès la déclaration de guerre, quoiqu'il en fut dispensé comme ancien combattant de la guerre précédente, il fut mobilisé en février 1940 avec le grade de sergent. Il participa à la bataille de France et fut fait prisonnier près de Soissons le 8 juin 1940.
Pendant sa captivité en Allemagne il manifesta un constant esprit de résistance, comme en témoigne son " Journal de captivité " encore inédit. Une des premières cartes qu'il envoya à l'un de ses amis de l'Aube qui allait devenir son agent de liaison dans la clandestinité, Jean Dannenmüller, contenait cette maxime révélatrice " Job n'est pas mort sur son fumier ! "
Libéré comme ancien combattant de la Grande Guerre (1914-1918), il se fit nommer professeur au Lycée du Parc à Lyon, alors centre de gravité de la Résistance, au service de laquelle il se déclara, immédiatement.
Membre du comité directeur de " Combat ", il se lia étroitement avec le délégué du général de Gaulle en France, Jean Moulin. C'est à la demande de ce dernier qu'il prit en main la confection du " bulletin d'information de la France combattante ", largement diffusé dans le réseau de Résistance.
Jean Moulin devait encore lui manifester sa confiance en le chargeant de rédiger la motion qui fut adoptée à l'unanimité le 27 mai 1943 lors de la réunion constitutive à Paris au n° 48 de la rue du Four, du Conseil national de la Résistance. Après l'arrestation de Jean Moulin à Calluire le 21 juin 1943 se prolongea pendant l'été une période d'incertitude, Claude Serreules, l'adjoint de Jean Moulin, ne parvenant pas à obtenir des instructions précises de la part du général de Gaulle quant à la désignation du successeur de Moulin à la tête de la Résistance intérieure.
De guerre lasse Serreules se résolut à organiser au sein du CNR en septembre 1943 une élection qui porte à sa présidence Georges Bidault. Son intimité avec Moulin était en effet bien connue, de même qu'étaient appréciés ses talents de conciliation qui lui permirent de maintenir, contre vents et marées, la cohésion de la Résistance intérieure. Celle-ci se manifesta avec éclat à l'occasion de l'approbation le 15 mars 1944 de la charte du CNR.

photo : avec de Gaulle sur les Champs Elysées ( photo : Roger Viollet )En août 1944, Georges Bidault, comme président du CNR, avec Alexandre Parodi, délégué du général de Gaulle, dirigea et contrôla l'insurrection de la capitale. Le 25 août il accueillit le chef de la France libre à l'hôtel de ville avant de descendre à son côté les Champs Elysées au cours d'une marche triomphale.




FONDATEUR DU MRP
Georges Bidault joua un rôle prépondérant dans la fondation du Mouvement Républicain Populaire(MRP) dont l'orientation doit beaucoup à l'effort conceptuel de Gilbert Dru, abattu par la gestapo à Lyon le 18 juillet 1944, que Georges Bidault rencontra longuement à Paris.
Dans "La Résistance sans héroïsme" (Le Seuil, 1977), Charles d'Aragon donne, sur ce qui serait l'orientation du MRP, une indication précieuse sur l'état d'esprit de Georges Bidault au cours des derniers mois précédent la libération. Les deux hommes se sont donnés rendez-vous dans l'église Saint-Pierre-de-Montrouge.
"Nos dévotions faites, nous sortîmes : naturellement, il fut question entre nous de la démocratie chrétienne et de son avenir. A ce sujet le futur président du gouvernement provisoire prophétisa : "les élections auront lieu dans quelques mois ; les femmes voteront. Nous serons cent à la Chambre et surtout n'oubliez pas : au nom du Père ; du fils et du saint Esprit" Il répéta par deux fois ce propos en joignant le geste à la parole. Des passants regardèrent avec surprise cet homme qui depuis tant de mois recherchait l'incognito... Le MRP s'inspira notamment du "Manifeste" rédigé au mois d'août 1944 par André Colin, et Maurice-René Simonnet.
Georges Bidault accompagnait le général de Gaulle à Moscou lorsque se tint le congrès constitutif du MRP les 25 et 26 novembre 1944 à Paris.
Quoiqu'une incompatibilité des fonctions ministérielles et de la présidence d'un parti politique ne fut pas énoncée explicitement, il apparut alors que Georges Bidault ne pouvait pas prendre la présidence du MRP, dont il fit en sorte qu'elle fût confiée à Maurice Schumann. Il succéda à ce dernier au congrès de Strasbourg (26-29 mai 1949) et le resta jusqu'au congrès de Bordeaux (22-25 mai 1952) au cours duquel il fut porté à la présidence d'honneur du MRP, comme l'avait été en 1944 Marc Sangnier.
Le MRP devait triompher aux élections générales du 21 octobre 1945 (152 élus sur 581), Georges Bidault était lui-même élu dans la Loire avec les trois suivants de sa liste, de sorte que le MRP détenait dans ce département 4 sièges sur 7.
Lors des élections générales du 2 juin 1946 pour la seconde Assemblée constituante, le MRP reprit au PC le titre de "premier parti de France" en nombre d'électeurs, comptant 160 élus, contre 146 au PC et 115 à la SFIO.

DANS LE GOUVERNEMENT DU GENERAL DE GAULLE
Devenu ministre des Affaires étrangères le 9 septembre 1944, Georges Bidault commence alors une carrière ministérielle de dix années. Dans cette charge il accomplit une tâche immense sans pour autant pouvoir donner sa vraie mesure jusqu'à la démission du général de Gaulle le 20 janvier 1946.
Cette constatation est exprimée avec une particulière netteté par Jean Chauvel, alors secrétaire général du Quai d'Orsay, dans son " Commentaire " (tome 2, Fayard, 1972) :
"Le général avait un complexe de supériorité que rien ne pouvait ébranler ... Sur tout sujet auquel il attachait de l'importance, il se réservait toujours le pouvoir de décision. Le fait devait assez vite devenir sensible aux étrangers avec qui nous étions appelés à traiter. Je me souviens, lors de ces réunions du conseil des quatre qui se tenaient à Londres d'un propos d'après dîner tenu par Byrnes (secrétaire d'Etat américain). Il avait dit "Molotov (ministre des affaires étrangères de l'URSS), pas authority. Bevin (secrétaire du Foreign office britannique) pas authority. I have authority. he (montrant Bidault) must have authority " Mais Bidault, aussi longtemps que le général fut rue Saint Dominique, n'eut jamais autorité".
Il obtint la reconnaissance de jure en septembre 1944, par les Alliés du gouvernement provisoire. Il signa avec Molotov le 10 décembre 1944 le traité d'amitié franco-soviétique. Il parvint à restaurer le statut international de la France : elle devient le "Quatrième Grand" pour les règlements de la paix ; obtient la délégation d'une zone d'occupation en Allemagne ; se vit attribuer un siège permanent au conseil de sécurité de l'ONU, le français étant reconnu comme langue officielle et langue de travail. Il devait également atténuer les aspérités de la politique étrangère du général de Gaulle : il contribue à des rapports apaisés avec le président Truman et Winston Churchill, évite le contentieux qui pourrait naître au sujet du Val d'Aoste que le général de Gaulle n'exclut pas d'annexer ; empêche le bombardement de Beyrouth.

VERS LA PRESIDENCE DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE
Lorsque le général de Gaulle démissionna le 20 janvier 1946, Georges Bidault n'était pas dans la confidence. Il prit instantanément position en faveur de la continuité du pouvoir, refusant de répondre aux "sirènes gaullistes" l'engageant à pratiquer la politique du pire.
Il resta ministre des affaires étrangères dans le gouvernement de Félix Gouin. Il fait campagne au référendum du 5 mai 1946 contre le projet de constitution socialiste communiste, alors que le général de Gaulle s'abstint de toute prise de position. Après le rejet du texte, le MRP triompha aux élections générales, ce qui devait porter Georges Bidault le 19 janvier 1946 à la tête du gouvernement provisoire (il est à la fois chef de l'Etat, chef de gouvernement et ministre des affaires étrangères).
De juillet à octobre 1946, il présida la conférence de la paix regroupant 21 pays, qui se tint à Paris. Il joua un rôle de médiateur, notamment sur le problème de Trieste, qui suit la signature du traité de paix avec l'Italie. La paix fut également conclue avec la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie et la Finlande.
En juillet 1946, se tient à Fontainebleau la conférence sur l'avenir de l'Indochine. Ho-Chi Minh qui y participait repartit à la fin de l'été, déterminé à arracher à la France par la force ce qu'il n'avait pas obtenu par la négociation. Le soulèvement d'Hanoi le 20 décembre 1946, survenu sous un bref gouvernement socialiste homogène présidé par Léon Blum, marque le début du conflit...
Après avoir vainement tenté d'obtenir du général de Gaulle qu'il ne porte pas condamnation des nouvelles institutions de la France, il promulgua la constitution de la IVè République, adoptée par référendum le 13 octobre 1946.

AUX AFFAIRES ETRANGERES - 5 JANVIER 1947-JUILLET 1948
Georges Bidault est rappelé au Quai d'Orsay par Paul Ramadier et il reste dans le gouvernement suivant présidé par son camarade de parti Robert Schneiter. La conférence de Moscou (mars-avril 1947) devait marquer le début de l'ancrage de la France dans ce que Georges Bidault appelle "le camp de la liberté". Il n'obtient rien en effet de Staline, les revendications de la France sur la Sarre (qu'il devait mener à son union douanière et monétaire avec la France) et les livraisons de charbon de la Ruhr lui étant reconnues et accordées par les Anglo-saxons.
Georges Bidault fut également l'artisan du traité de Bruxelles (17 mars 1948) regroupant sur le plan militaire la France, le Royaume-Uni et le Benelux. Il le conçut comme la préfiguration du Pacte Atlantique dont il demande la conclusion dans une lettre personnelle au secrétaire d'Etat américain, le général Marshall, le 5 mars 1948 : selon lui, il convenait de "resserrer sur le terrain politique et le plus vite qu'il se pourra sur le terrain militaire, la collaboration de l'ancien et du nouveau monde, si étroitement solidaires dans l'attachement à la seule civilisation qui vaille".
Il accueillit avec faveur l'offre du "plan Marshall" en vue de la reconstruction économique de l'Europe s'employant à faire émerger l'organisation (OECE) susceptible de prendre en charge l'aide américaine, dont les bases jurent jetées à l'occasion de la conférence de Paris dont il prit l'initiative (12 juillet 1947 : ouverture de la conférence des Seize).
A l'égard de l'Italie il prit deux initiatives spectaculaires en signant à Turin (20 mars 1948) l'union douanière et en lançant ce que la presse qualifia de "bombe diplomatique", c'est-à-dire l'accord des trois occidentaux en vue du retour à l'Italie du territoire libre de Trieste. Georges Bidault invita l'URSS le 9 avril 1949 à participer à une conférence sur ce sujet.
Au cours des plus difficiles négociations qu'il eut à mener à Londres (février - juin 1948) depuis son accession au Quai d'Orsay, il devait imprimer à la politique française à l'égard de l'Allemagne un infléchissement notable ouvrant la voie à la constitution dans les trois zones occidentales d'une Allemagne démocratique et redevenue maîtresse de son destin. Ce qui permit à Georges Bidault dans la lettre qu'il adressa au chancelier Adenauer le 8 mars 1963 de se présenter à lui comme le plus ancien défenseur de l'amitié franco-allemande. Les accords de Londres ne furent approuvés qu'après un débat houleux et difficile devant l'Assemblée nationale, ce qui valut à Georges Bidault d'être remplacé au Quai d'Orsay le mois suivant par Robert Schuman lors de la constitution du nouveau gouvernement André Marie.
Il faut enfin préciser que Georges Bidault fut l'initiateur du Conseil de l'Europe.

CHEF DE GOUVERNEMENT
Georges Bidault resta à l'écart de l'exercice direct du pouvoir jusqu'au 27 octobre 1949 date à laquelle il est investi par l'Assemblée nationale. Il constitua le lendemain un second gouvernement depuis la guerre. Celui-ci durera jusqu'au 24 juin 1950. Précédemment Georges Bidault avait été porté en mai 1949 à la présidence du MRP.
A l'époque il fut presque unanimement rendu hommage à l'autorité et à la maîtrise dont fit preuve le chef du gouvernement dans la conduite des affaires de l'Etat. Ainsi lorsque les ministres socialistes qui avaient décidé de quitter le gouvernement le 4 février 1950, le sommèrent de se retirer, répliqua-t-il en pourvoyant au remplacement des partants. Il fit de même lorsque Pierre Pflimlin démissionna du ministère de l'agriculture. Il tint enfin, l'un des seuls parmi les chefs de gouvernement de la IVè République, à respecter les prescriptions constitutionnelles régissant la démission des gouvernements, n'acceptant de se retirer que si la confiance lui était refusée dans les formes constitutionnelles, c'est à dire à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale. C'est ce qui advint le 24 juin 1950 après une rude querelle parlementaire.
On a beaucoup affirmé que Georges Bidault avait une prédilection "atlantique" plutôt qu'européenne. Il est vrai que le 16 avril 1950 il préconisa, à l'occasion d'un retentissant discours prononcé à Lyon, la formation d'un "Haut conseil atlantique". C'est à Robert Schuman son ministre des affaires étrangères, qu'il reviendra de lancer l'initiative qui devait constituer la première étape de la construction de l'Europe. C'est pourtant au directeur de cabinet de Georges Bidault que Jean Monnet avait remit le 20 avril 1950 son projet de Communauté européenne supra nationale pour le charbon et l'acier. Mais Pierre-Louis Falaize omit d'alerter le président du Conseil, de sorte que le 28 avril, faute d'avoir obtenu sa réponse, Monnet saisissait Bernard Clapier, l'homologue de Falaize auprès de Schuman. Ils furent immédiatement séduits et assumèrent le projet qui devint pour la postérité le "plan Schuman". Le mérite du président du Conseil n'en fut pas pour autant insignifiant puisqu'il s'employa le 9 mai 1950 à faire adopter ledit plan par le conseil des ministres.

RETOUR AU QUAI D'ORSAY
Après avoir participé comme vice-président du Conseil à deux éphémères gouvernements Queuille (juillet 1950 puis mars juillet 1951) et s'être fait réélire comme tête de liste dans la Loire - le deuxième de liste étant Antoine Pinay - le 17 juin 1951, Georges Bidault exerça les responsabilités de ministre de la Défense nationale du 11 août 1951 au 9 février 1952.
C'est à lui qu'il revint de rendre hommage au général de Lattre de Tassigny dans un ordre du jour resté légitimement célèbre dont voici la reproduction fidèle.

"Un héros est mort.
Le général de Lattre de Tassigny aura tout donné à la patrie : ses victoires, son fils et sa vie. Il laisse au pays sa gloire, à l'armée son exemple.
Vous vous souviendrez qu'il fut grand parce qu'il savait servir, qu'il sut commander parce qu'il savait aimer, qu'il put vaincre parce qu'il savait oser.
Un grand chef nous a quittés. Ses soldats, dont il a, jusqu'à la preuve suprême partagé les sacrifices, ne méritaient pas de le perdre. Que sa mémoire pourtant les anime et qu'elle inspire ceux qui, après lui, continuent le dur combat imposé aux hommes libres.
Le nom de Jean de Lattre de Tassigny appartient à l'histoire et sa légende au drapeau."


Son retour au Quai d'Orsay, dans le gouvernement de René Mayer le 8 janvier 1953, devait marquer une plus grande distance de la France à l'égard du traité de Communauté Européenne de Défense (CED).
Georges Bidault réclama notamment la signature de protocoles additionnels qui lui paraissaient indispensables pour obtenir l'autorisation de ratification du traité par la Chambre, prenant néanmoins l'engagement de sortir le " cadavre du placard ".

C'est lui qui, dans sa déclaration d'investiture du 10 juin 1953, devait déclarer qu'il fallait "faire l'Europe sans défaire la France". Il lui manqua une voix pour pouvoir constituer le gouvernement.
Joseph Laniel fut investi le 26 juin 1953. Georges Bidault conservait le Quai d'Orsay.
Il fut un candidat malheureux à la présidence de la République en décembre 1953. René Coty fut élu. Les dossiers dont Georges Bidault eut à connaître étaient, le temps passé les ayant aggravés, devenus brûlants. Il se vit ainsi contraint d'assumer la déposition du Sultan du Maroc (20 août 1953) que pourtant il n'avait pas décidée.
Avec persévérance il s'employa à ouvrir la voie vers un règlement de paix en Indochine. Il y prépara nos alliés à la conférence de Washington (10-14 juillet 1953), jusqu'à la conférence des Bermudes (4-8 décembre 1953), avant d'obtenir à la conférence des quatre à Berlin la tenue d'une conférence sur la Corée et l'Indochine qui débuta le 26 avril 1954.
Son objectif était de trouver des conditions acceptables pour un règlement du conflit indochinois et il en prit les moyens en acceptant la participation aux débats des parties concernées (y compris le Viet Minh) et de la Chine communiste sans laquelle aucune solution ne pouvait être envisagée.
Il vécut à Genève une épreuve qui le marqua à jamais ; en effet, afin de négocier en position de force, le Viet-Minh déclencha le 13 mars 1954 peu de temps avant l'ouverture de la conférence son offensive contre le camp retranché de Dien Bien Phu.
Tant qu'il parut possible de desserrer l'étau qui se refermait sur la position française, Georges Bidault s'efforça passionnément d'obtenir l'indispensable concours militaire américain (opération Vautour). Après de longues tergiversations, les Etats unis finirent par repousser les demandes françaises.
La position française maintenue tant bien que mal à Genève par la diplomatie de Georges Bidault, devint franchement intenable lorsque le 11 mai 1954, soit quatre jours après la chute du camp retranché, le secrétaire d'état John Foster Dulles (1er juin 1954) déclara que "le sud-est asiatique peut être tenu sans l'Indochine ".
Les délégations militaires françaises et viet-minh, qui étaient en rapport pour traiter du sort des blessés du camp, prolongèrent leurs tractations dans le sens d'un regroupement des forces en vue de la conclusion d'un cessez-le-feu.
Georges Bidault qui, entretemps, avait accepté de serrer la main du ministre des Affaires étrangères du Viet Minh, Pham van Dong (27 mai 1954) et de rencontrer secrètement le ministre des Affaires étrangères chinois, Chou En Laï, laissa se développer ces échanges qui étaient en train de se concrétiser lorsque le 9 juin 1954 Pierre Mendès-France porta contre le ministre des affaires étrangères les accusations les plus violentes et les plus infondées.
Celui-ci, comme Jules Ferry le 9 mai 1885 qui refusa de se servir des informations dont il disposait sur les négociations favorables avec la Chine pour sauver son gouvernement, jugea indigne de lui et de la France de révéler les secrets d'une négociation qui n'avait pas encore abouti, pour échapper au verdict de l'Assemblée qui le 12 juin 1954 renversait le gouvernement Laniel.

ALGERIE L'OISEAU AUX AILES COUPEES
C'est le titre du recueil des articles que Georges Bidault a donné à Carrefour hebdomadairement pour maintenir la mobilisation en faveur de l'Algérie française. L'ouvrage parut le 18 juin 1958.
Georges Bidault ne méconnaissait pas que le mouvement irrésistible de décolonisation imposait à la France des mesures novatrices et hardies ; sa réponse fut l'intégration, c'est à dire la pleine reconnaissance de l'égalité des droits des deux côtés de la Méditerranée.

Il eut un jour cette formule qui mérite d'être méditée en ce vingt et unième siècle :
"si la France ne fait pas l'intégration du Nord au Sud, de Dunkerque à Tamanrasset, elle lui sera imposée du Sud au Nord".

Il lui fut insupportable d'imaginer que pourrait se reproduire l'abandon qui l'avait si fortement traumatisé s'agissant de l'Indochine, de ceux qui avaient fait confiance à la France et notamment les catholiques du Tonkin.
En Algérie, la situation était d'autant plus claire qu'il s'agissait d'un territoire dont la seule véritable identité depuis un siècle était française.
Dans la défense de cet engagement, il s'éloigna peu à peu de ses amis politiques ralliés pour la plupart d'entre eux à une solution négociée du conflit. Au bout de cette évolution se place la constitution d'un autre parti politique que le MRP dont il se détacha pour fonder la démocratie chrétienne.
Faute de pouvoir constituer lui même le gouvernement de salut public qu'il appelait de ses voeux (échec de sa tentative du 20-22 avril 1958) il fit appel au général de Gaulle pour empêcher l'abandon de l'Algérie. La progressive dérive de la politique algérienne de de Gaulle le précipita dans une hostilité absolue à l'égard de celui qui, pour lui, avait trahi ses engagements les plus solennels.
Le 10 juin 1959, Georges Bidault, après un discours étincelant en faveur de l'Algérie française recevait l'ovation de la Chambre presque unanime, debout, pour saluer le talent et les conclusions alors partagées par le plus grand nombre.
Après le 16 septembre 1959 et la décision du général de Gaulle sur l'auto détermination, à Alger en décembre 1959, Georges Bidault déclare "je suis venu dire non à l'interminable et sacrilège processus des abandons". Le vide se fit presque instantanément autour de lui, et il se trouva, volens nolens, rejeté dans le camps de ceux que l'on appelait alors les ultras.

L'amertume qu'il en ressentit le porte aux positions extrêmes (création d'un nouveau conseil national de la résistance clandestin) et le poussa à s'exiler jugeant sa liberté d'expression entravée et sa vie menacée. De Suisse où il arriva en 1962 il se réfugia en Italie avant de se cacher en Bavière d'où il fut également expulsé.
A Lisbonne, Salazar obtint que le Brésil lui accorda asile. Il devait y rester jusqu'en 1967 la Belgique acceptant alors de l'accueillir après une campagne ardente de la part de Robert Bichet en faveur du retour des exilés.

Il ne bénéficia pas de l'amnistie du général de Gaulle franchissant la frontière le 6 juin 1968 avant que ce dernier ne la concède. L'instruction ouverte contre lui fit l'objet d'un non lieu.
Il ne parvint pas à rétablir sa situation politique. A l'inverse de Jacques Soustelle, qui se fit à nouveau élire à Lyon comme député du Rhône, Georges Bidault fut battu dans le 5ème arrondissement de Paris. Le charme qui avait longtemps joué en sa faveur était rompu.

A son décès le 27 janvier 1983, après une brève maladie, les plus hautes autorités de l'Etat et de la nation, qui lui avaient rendu hommage du bout des lèvres, s'abstiennent de paraître aux obsèques qui lui furent réservées aux invalides où les honneurs militaires lui furent rendus (présidées par Monseigneur Vanel, évêque des armées).




Bernard Billaud
Président de l'association des amis de Georges Bidault