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Robert SCHUMAN
Robert SCHUMAN
1886 - 1963
1886 - 1963




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BIOGRAPHIE
C'est un curieux itinéraire que celui de Robert Schuman.

Né en 1886 au Luxembourg, patrie de sa mère, et d'un père lorrain, devenu allemand après la défaite de 1870, il fera des études universitaires en Allemagne, puis s'installera en 1912 comme avocat à Metz dans le Reichsland annexé. Homme de deux cultures, lorrain de toujours et français de coeur, il était, dit-il un de ces hommes de la frontière "où le sang se mélange et les caractères nationaux se confondent". Il s'est défini lui-même comme un "catholique mosellan" et s'inscrit dans la tradition du catholicisme social rhénan.

A la fin de la guerre de 1914-1918, on fait appel à sa compétence de juriste et à sa parfaite connaissance des problèmes de l'Alsace-Lorraine pour aider leur réintégration dans la communauté nationale. Il devient en 1919 député de la Moselle, rejoint le PDP. Il représentera le département ou la circonscription de Thionville jusqu'en 1962. Il ne trouvera son destin d'homme d'Etat qu'en 1946, à 59 ans, devenant rapidement un des principaux leaders politiques de la IVème République.


Un réaliste mystique

Rien ne le prédestinait à une carrière politique. Dépourvu d'éloquence et de brillant, modeste, effacé, désintéressé, parfaitement honnête, toujours fidèle à ses profondes convictions, "sa véritable vocation, notait Jacques Fauvet, eut été celle d'un contemplatif. Il a été dix fois ministre". A la mort de sa mère il avait songé à entrer dans les ordres. Mais il a finalement choisi de s'engager dans la cité. La politique consistait pour lui à servir le mieux possible le bien commun, comme un "apôtre laïc". Jacques de Bourbon Busset, qui fut longtemps son plus proche collaborateur a pu dire de lui qu'il était "un réaliste mystique". Ce qui n'excluait pas l'habileté dans l'action, ni la recherche de compromis ne touchant pas à l'essentiel.

L'exemple de Robert Schuman montre que la politique n'est pas si foncièrement impure qu'un honnête homme ne puisse y réussir sans se renier, qu'un chrétien ne puisse s'y engager sans perdre son âme.


L'homme d'Etat.

Réélu député de la Moselle en 1945 il adhère aussitôt au MRP. Son rôle important à la commission des Finances fait de lui en 1946 le ministre des Finances dans le gouvernement Ramadier. Il le restera presque sans discontinuité de juin 1946 à novembre 1947. En ces temps d'inflation, de pénurie et de marché noir, il était le ministre austère, économe, soucieux de justice sociale, dont la France avait alors besoin.

Ses qualités d'homme d'Etat vont se déployer pleinement lorsqu'il devient président du Conseil le 24 novembre 1947. Il doit alors faire face à des grèves insurrectionnelles, orchestrées par le parti communiste, qui auraient pu aboutir en France à un nouveau "coup de Prague". Sans la fermeté de Robert Schuman et du ministre de l'Intérieur socialiste Jules Moch, notre pays aurait pu un matin se réveiller en "démocratie populaire". En ces jours dramatiques, où la violence des attaques lancées contre lui l'ont blessé sans l'ébranler (le leader communiste Duclos le traitait de "Boche") le courage et le calme de Robert Schuman ont sans doute sauvé chez nous la démocratie en faisant respecter la loi républicaine, garantie des libertés.


Le ministre des Affaires étrangères

Robert Schuman devient ministre des Affaires étrangères, succédant à Georges Bidault, le 29 juillet 1948 et le restera jusqu'en décembre 1952, remarquable continuité dans un ???????????? gouvernement qui change tous les huit ??????. Il doit faire face là aussi à une situation difficile.

La menace soviétique le conduit à négocier et à signer rapidement, le 4 mai 1949, le pacte Atlantique préparé par Georges Bidault. On a dit que celui-ci était plus "atlantiste" qu'européen mais ils croyaient l'un et l'autre à la nécessité de l'Alliance Atlantique pour garantir la sécurité de l'Europe.

Sur le front européen, Georges Bidault avait également jeté les bases du Conseil de l'Europe à la création duquel Robert Schuman devait présider le 5 mai 1949. Il est remarquable que dans une Europe en ruine on ait proposé comme premier objectif aux européens de "sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes" qui sont leur patrimoine commun.

L'aggravation de la tension Est-Ouest incitait les Etats-Unis et la Grande-Bretagne à faire de la restauration et du relèvement de l'Allemagne un impératif urgent. La politique allemande pratiquée par le général de Gaulle, poursuivie par Georges Bidault, depuis la fin de la guerre (refus d'un gouvernement central, internationalisation de la Ruhr, rattachement de la Sarre à la France) se trouvait dès lors réduite à des combats d'arrière garde voués à l'échec. Les accords de Londres (juin 1948) préparaient la Constitution en septembre 1949 de la République Fédérale, dont Konrad Adenauer sera le premier Chancelier.

On arrivait ainsi à une croisée des chemins. Que faire avec l'Allemagne ? Une réunion décisive des ministres des Affaires étrangères américain, britannique et français, devait se tenir le 10 mai sur le problème allemand. Le secrétaire d'Etat américain Dean Acheson avait proposé que l'initiative vint de la France.

C'était une époque où les Américains nous traitaient en partenaires qui faisaient confiance à notre pays, où la France était le leader incontesté de l'Europe et avait de l'influence à Washington.

"Homme de la frontière", comme Adenauer, comme Alcide de Gasperi, démocrates chrétiens partageant les mêmes convictions, Robert Schuman avait beaucoup médité sur le problème allemand. Il était arrivé à la conclusion qu'il ne pouvait avoir de solution qu'européenne, qu'il fallait inventer une politique nouvelle à l'égard de l'Allemagne, créer au lieu de subir, et non répéter les erreurs commises en 1918 par l'imposition au vaincu de contraintes humiliantes qui l'incitent à préparer sa revanche.


Le père de l'Europe

C'est ce qu'il a fait dans sa déclaration historique du 9 mai 1950 proposant à l'Allemagne, cinq ans, presque jour pour jour, après la capitulation du 3ème Reich, de participer, sur un pied d'égalité à une Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier. L'accord de Konrad Adenauer fut immédiat et enthousiaste. Il dira plus tard que c'était son rêve d'il y a 25 ans.

La mise en commun des productions de base rendrait ainsi la guerre impossible entre des pays longtemps opposés par des divisions sanglantes.


D'entrée de jeu, Robert Schuman affirmait : "le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée". C'était le premier pas de la réconciliation franco-allemande, scellée beaucoup plus tard, le 22 janvier 1963, par la signature du traité de coopération franco-allemand (traité de l'Elysée) entre le général de Gaulle et Konrad Adenauer. Le traité créant la CECA en 1951 qui réunira six pays - la France, l'Allemagne, l'Italie et les trois pays du Benelux - était l'acte de naissance de la communauté européenne sous l'autorité d'institutions communes aux compétences limitées. La méthode communautaire, poursuivant des buts politiques, une Fédération européenne, par la voie de l'intégration économique, aboutira en 1957 au traité de Rome instituant la Communauté Economique Européenne, puis le marché unique et la monnaie unique.

Tout le monde sait que ce projet novateur devait beaucoup à Jean Monnet. Robert Schuman disait avec humour qu'il n'en était que "le père adoptif". Mais, il convient de le souligner, c'est Robert Schuman qui en a assumé la responsabilité politique. C'est lui qui l'a fait approuver par le gouvernement présidé par Georges Bidault, c'est lui qui l'a défendu avec beaucoup de courage face à l'opposition des sidérurgistes et aux attaques des communistes et des gaullistes (le général de Gaulle le qualifiait de "méli-mélo de charbon et d'acier").

La CECA a été une réussite économique et politique. Elle a été surtout un laboratoire au sein duquel ont été expérimentées les nouvelles méthodes concrètes de l'unification européenne par la création d'une solidarité de fait, ouvrant la voie à de nouvelles avancées.


L'échec de la Communauté Européenne de défense

Mais un accident de parcours a failli remettre en cause toute l'entreprise : le déclenchement de la guerre de Corée en juin 1950 a posé prématurément le problème du réarmement de l'Allemagne. La défense de l'Europe exigeait une participation de l'Allemagne. Mais les Français ne voulaient pas d'une armée nationale allemande. Une fois encore l'esprit inventif de Jean Monnet a conçu un projet audacieux qui a été proposé par le gouvernement Pleven le 24 octobre 1950 : celui d'une "Communauté Européenne de Défense" (CED) et d'une armée européenne intégrée sous commandement commun. Des négociations difficiles, conduites par Robert Schuman, se sont engagées. Le traité signé le 27 mai 1952 suscita de vives oppositions, à gauche comme à droite, et dans l'opinion publique. Il ne sera jamais ratifié par la France.

Dans cette affaire, comme dans l'affaire tunisienne, Robert Schuman a été paralysé par la conjonction des extrêmes, et victime de ce qu'il appelait "la puissance d'indécision parlementaire", expression d'un système institutionnel en crise. Le traité resta trop longtemps dans un "placard". Le temps travaillait pour ses adversaires. Le sacrifice de Robert Schuman écarté du Quai d'Orsay, où il ne reviendra plus, à la demande des RPF qui vont entrer dans le gouvernement René Mayer, s'avéra inutile. Il n'empêchera ni la bataille ni malheureusement la défaite, bien que Georges Bidault, revenu au ministère des Affaires étrangères, ait pris avec talent la défense du traité, après avoir vainement tenté d'y rallier les gaullistes par des protocoles additionnels.

L'abandon du traité par Pierre Mendés-France, dans l'ombre de Dien Ben Phu, conduira à son rejet sans débat le 30 août 1954 par le vote d'une question préalable. Ce jour là, une grande occasion a été perdue pour l'Europe car la CED a entraîné dans sa chute un projet de communauté politique. Aujourd'hui encore l'Europe politique et l'Europe de la défense restent à faire.


Les dernières années

Robert Schuman sera encore ministre de la Justice dans le gouvernement Edgar Faure en 1955, puis il se fera jusqu'à la fin de sa vie politique le pèlerin de l'Europe. Président du Mouvement européen il appuya la relance de la construction européenne qui a conduit au traité de Rome. Et il présida l'Assemblée parlementaire Européenne de Strasbourg de 1958 à 1960. Il consacra ses dernières années à la préparation d'un livre testament "Pour l'Europe".

Le retour au pouvoir du général de Gaulle l'avait inquiété. "Pourvu qu'il ne casse pas tout !" murmurait-il. Mais il n'a jamais désespéré. "Nous ne pouvons nous dissimuler, disait-il, que l'intégration de l'Europe est une oeuvre immense et ardue, et que jamais encore on a tentée". Et c'est par des paroles d'espoir que s'achève son livre : "l'Europe ne se fera pas en un jour, ni sans heurts. Rien de durable ne s'accomplit dans la facilité. Pourtant déjà elle est en marche. Au delà des institutions, et répondant à une aspiration profonde des peuples, l'idée européenne, l'esprit de solidarité communautaire, ont pris racine". Fondée sur les bases communes de notre civilisation, elle sera, ajoutait-il , "la force contre laquelle se briseront tous les obstacles".


Un exemple et une leçon

C'est après sa disparition que l'on a pris toute la mesure de la grandeur de l'homme et de la portée de son oeuvre. Rien n'illustre mieux le respect et l'admiration dont il était l'objet que le numéro spécial de la revue France Forum publié au lendemain de sa mort (N° 52 - novembre 1963 -   france-forum@udf.org ) : les hommages sont venus de toute l'Europe et en France de tous les courants politiques se réclamant de la démocratie.

Il nous laisse un exemple et une leçon. La politique spectacle, créée par les médias, ou une bonne gestion technique, ne remplaceront jamais une action fondée sur une pensée, sur une éthique, sur un idéal. Robert Schuman a réussi à concilier dans une synthèse difficile le réalisme, l'audace, et une vision à long terme, le spirituel et le profane, l'éthique de la conviction et l'éthique de la responsabilité. Puisse cet exemple inspirer d'autres hommes d'Etat en ce 21ème siècle, où les valeurs de l'humanisme d'inspiration chrétienne paraissent gravement menacées.


Jacques Mallet